Incroyable pourtant c' est vrai ca c' est passé de 1941 à 1983

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Une Genève ville internationale ou?????????

 

 

 

 

 

CPT/Inf (2012) 26

[PDF]

 

 

Rapport

 

au Conseil fédéral suisse

relatif à la visite effectuée en Suisse

par le Comité européen pour la prévention

de la torture et des peines ou traitements

inhumains ou dégradants (CPT)

 

du 10 au 20 octobre 2011

 

 

Le Conseil fédéral suisse a demandé la publication du rapport susmentionné du CPT et de sa réponse. La réponse figure dans le document CPT/Inf (2012) 27.

 

 

Strasbourg, le 25 octobre 2012

 


TABLE DES MATIERES

 

Copie de la lettre transmettant le rapport du CPT

I.       INTRODUCTION

A.      Dates de la visite et composition de la délégation

B.      Etablissements visités

C.      Consultations menées par la délégation et coopération rencontrée

D.      Mise en place d’un mécanisme national de prévention

II.      CONSTATATIONS FAITES DURANT LA VISITE ET MESURES PRECONISEES

A.      Personnes privées de leur liberté par les forces de l’ordre

1.       Remarques préliminaires

2.       Mauvais traitements

3.       Garanties contre les mauvais traitements

4.       Conditions de détention

B.      Personnes en détention avant jugement exécutoire
ou exécutant des peines privatives de liberté

1.       Remarques préliminaires

2.       Mauvais traitements

3.       Détenus mineurs placés au centre éducatif de détention et d’observation
« La Clairière »

4.       Situation des personnes détenues placées en unité de haute sécurité
ou soumises à un régime de « sécurité renforcée »

a.       introduction

b.      conditions de détention

c.       surveillance médicale

d.      placement

5.       Conditions de détention de la population carcérale générale

a.       personnes détenues adultes de sexe masculin

b.      personnes détenues adultes de sexe féminin

6.       Soins de santé

a.       prise en charge sanitaire générale dans les établissements pénitentiaires visités

i.       effectifs

ii.      préparation et distribution des médicaments

iii.     examen médical à l’admission ou à la suite d’un épisode violent
en milieu carcéral

iv.     confidentialité médicale

b.      prise en charge sanitaire en unité de soins sécurisée en milieu hospitalier
ou en unité de psychiatrie en milieu pénitentiaire

i.       introduction

ii.      conditions de séjour

iii.     soins proposés

iv.     personnels

v.       mise en cellule d’isolement et mise sous contention

c.       extractions médicales

7.       Autres questions

a.       personnel

b.      contacts avec le monde extérieur

c.       discipline

C.      Personnes à l’encontre desquelles un traitement institutionnel ou l’internement
a été ordonné

1.       Remarques préliminaires

2.       Mauvais traitements

3.       Conditions de séjour

4.       Personnel, traitement et régime

a.       personnes à l’encontre desquelles un traitement institutionnel a été ordonné
et placées à la clinique de psychiatrie légale de Rheinau

b.      personnes à l’encontre desquelles un traitement institutionnel a été ordonné
et placées en milieu carcéral

c.       personnes à l’encontre desquelles l’internement a été ordonné
et placées en milieu carcéral

5.       Moyens de contention

6.       Garanties

ANNEXE I :
Liste des recommandations, commentaires et demandes d’informations du CPT

ANNEXE II:
Liste des autorités fédérales, instances cantonales et organisations
non gouvernementales rencontrées par la délégation du CPT

 


Copie de la lettre transmettant le rapport du CPT

 

 

Monsieur Walter Troxler

Département fédéral de justice et police

Office fédéral de la justice

Bundesrain 20

CH – 3003 Berne

 

Strasbourg, le 4 avril 2012

 

Monsieur,

 

Conformément à l’article 10, paragraphe 1, de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, j’ai l’honneur de vous adresser le rapport au Conseil fédéral suisse établi par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), à l’issue de la visite qu’il a effectuée en Suisse du 10 au 20 octobre 2011. Le rapport a été adopté par le CPT lors de sa 77e réunion plénière qui s’est tenue du 5 au 9 mars 2012.

 

Les recommandations, commentaires et demandes d’informations du CPT figurent à l’annexe I. En ce qui concerne plus particulièrement ses recommandations, le Comité demande aux autorités suisses, eu égard à l’article 10 de la Convention, de fournir dans un délai de six mois une réponse comprenant un exposé complet des mesures prises pour les mettre en œuvre.

 

Le CPT espère vivement qu’il sera également possible pour les autorités suisses de fournir, dans cette réponse, leurs réactions aux commentaires formulés dans ce rapport et résumés dans l’annexe I, ainsi que des réponses aux demandes d’informations.

 

Je reste à votre entière disposition pour toute question que vous souhaiteriez poser au sujet soit du rapport, soit de la procédure à venir.

 

Je vous prie de croire, Monsieur, à l’assurance de ma haute considération.

 

 

Lətif Hüseynov

Président du Comité européen pour

la prévention de la torture et des peines

ou traitements inhumains ou dégradants

 


 

I.          INTRODUCTION

 

 

A.        Dates de la visite et composition de la délégation

 

 

1.         Conformément à l’article 7 de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (ci-après « la Convention »), une délégation du CPT a effectué une visite en Suisse du 10 au 20 octobre 2011. La visite faisait partie du programme de visites périodiques du Comité pour 2011. Il s’agissait de la sixième visite du Comité dans ce pays[1].

 

 

2.         La visite a été effectuée par les membres du CPT dont les noms suivent :

 

-           Marc NÈVE, chef de la délégation

 

-           Dan DERMENGIU

 

-           Wolfgang HEINZ

 

-           Julia KOZMA

 

-           Anna ŠABATOVÁ.

 

            Ils étaient secondés par Johan FRIESTEDT, Stephanie MEGIES et Almut SCHRÖDER, du Secrétariat du Comité et assistés de :

 

-           Daniel GLEZER, psychiatre, ancien chef du Service médico-psychologique régional du centre pénitentiaire de Marseille, France (expert)

 

-           Veronica PIMENOFF, psychiatre, chef du Département de l’hôpital psychiatrique universitaire d’Helsinki, Finlande (expert)

 

-           Elisabeth JAQUEMET VUAGNIAUX (interprète)

 

-           Joseph  OBEREGGER (interprète)

 

-           Pia SCHELL (interprète).

 

 

B.        Etablissements visités

 

 

3.         La délégation du CPT a visité les lieux suivants :

 

Canton de Berne

 

-           Poste de police cantonale de la gare centrale de Berne*   

 

-           Unité cellulaire pénitentiaire (Bewachungsstation) de l’hôpital de l’Ile de Berne*

 

République et canton de Genève

 

-           Hôtel de police, boulevard Carl-Vogt 17-19, Genève *
-           Poste de police des Pâquis, rue de Berne 6, Genève *

 

-           Centre éducatif de détention et d’observation « La Clairière » pour mineurs, Vernier

-           Prison de Champ-Dollon, Puplinge/Thônex*

 

-           Unité cellulaire hospitalière de l’hôpital cantonal, Genève*
-           Unité cellulaire psychiatrique, site hospitalier de Belle-Idée, Chêne-Bourg*

 

La délégation s’est également rendue dans l’unité d’hospitalisation « Le Salève » pour adolescents située sur le site hospitalier de Belle-Idée afin de discuter des questions de prise en charge psychiatrique des adolescents du centre éducatif de détention et d’observation « La Clairière ».

 

Canton de Thurgovie

 

-           Prison cantonale de Frauenfeld

 

Canton de Vaud

 

-           Pénitencier de Bochuz (établissements de la plaine de l’Orbe)*

 

Canton de Zoug

 

-           Pénitencier intercantonal de Bostadel (cantons de Bâle-Ville et de Zoug)

 

Canton de Zurich

 

-           Prison de la police cantonale, Kasernenstrasse 49, Zurich*
-           Poste de la police cantonale de la gare centrale de Zurich*
-           Poste de la police municipale « Regionalwache Industrie », Fabrikstrasse 1, Zurich

 

-           Pénitencier de Pöschwies, Regensdorf * (personnes placées en unité de haute sécurité             et/ou à l’encontre desquelles un traitement institutionnel ou l’internement a été ordonné)

 

-           Clinique de psychiatrie légale de Rheinau.

 

C.        Consultations menées par la délégation et coopération rencontrée

 

 

4.         Au cours de la visite, la délégation a eu des entretiens fructueux avec Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale, cheffe du Département fédéral de justice et police, Michael Leupold et Bernardo Stadelmann, respectivement directeur et vice-directeur de l’Office fédéral de la justice, ainsi que d’autres hauts fonctionnaires de divers départements fédéraux. Elle a également rencontré Martin Graf, conseiller d’Etat, chef de la Direction de la justice et de l’intérieur du canton de Zurich et d’autres responsables des cantons visités, ainsi que des représentants de la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police.

 

En outre, la délégation a eu une réunion avec des représentants de la Commission nationale de prévention de la torture, le mécanisme national de prévention créé en application du Protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (OPCAT). Des discussions ont également eu lieu avec des membres d’organisations non gouvernementales actives dans les domaines intéressant le CPT.

 

La liste des autorités fédérales, instances cantonales et organisations non gouvernementales rencontrées par la délégation figure à l’annexe II au présent rapport.

 

 

5.         La coopération dont a bénéficié la délégation s’est révélée excellente pendant toute la durée de la visite. La délégation a eu immédiatement accès aux lieux de détention visités, y compris ceux où la visite n’avait pas été annoncée à l’avance, et a pu s’entretenir sans témoins avec les personnes privées de liberté. Elle s’est également entretenue avec divers professionnels, qui ont adopté une attitude très ouverte et ont tout fait pour lui faciliter la tâche. Elle a en outre eu accès à tous les documents nécessaires, et les demandes d’informations supplémentaires formulées pendant la visite ont été satisfaites rapidement.

 

Le CPT tient également à exprimer ses remerciements pour l’aide apportée à sa délégation par l’agent de liaison désigné par les autorités suisses, Walter Troxler, de l’Office fédéral de la justice.

 

 

D.        Mise en place d’un mécanisme national de prévention

 

 

6.         Peu après la ratification de l’OPCAT le 24 septembre 2009, le Conseil fédéral suisse a mis en place un mécanisme national de prévention, à savoir la Commission nationale de prévention de la torture. Cette commission, composée de 12  membres spécialisés dans divers domaines (tels que la médecine, la police et le milieu carcéral), est habilitée à visiter tout type de lieux de privation de liberté. Dans le contexte de ses activités, elle a notamment examiné à plusieurs reprises la situation de ressortissants étrangers lors d’éloignements forcés par voie aérienne (« vols retour »).

 

 

7.         Le CPT attache une grande importance à la création de mécanismes nationaux de prévention indépendants dotés des ressources et du niveau d’expertise nécessaires, comme prévu par l’OPCAT. Ces organes peuvent apporter une contribution décisive à la lutte contre la torture et autres formes de mauvais traitements.

 

Au cours de la visite, un certain nombre d’interlocuteurs de la délégation ont estimé que les moyens alloués à la Commission, tant en termes de budget que de personnel[2], ne lui permettaient pas de mener à bien sa tâche. Il est essentiel que le mécanisme national de prévention dispose des ressources adéquates à son fonctionnement, notamment à la lumière des lignes directrices adoptées par le Sous-Comité des Nations Unies pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (SPT) en novembre 2010[3]. Le CPT souhaite recevoir les remarques des autorités suisses sur ce point.

 

 

II.        CONSTATATIONS FAITES DURANT LA VISITE ET MESURES PRECONISEES

 

 

A.        Personnes privées de leur liberté par les forces de l’ordre

 

 

1.         Remarques préliminaires

 

 

8.         Le code de procédure pénale suisse (CPP) du 5 octobre 2007, unifiant le droit de la procédure pénale dans toute la Confédération, est entré en vigueur le 1er janvier 2011[4]. Il convient de rappeler à cet égard qu’une période pouvant aller jusqu’à 96 heures peut s’écouler entre le tout début de la privation de liberté d’une personne par la police et la décision du tribunal compétent quant à la nécessité d’ordonner la détention provisoire ou une mesure de substitution non privative de liberté[5].

 

La police peut procéder, afin d’élucider une infraction, à l’« appréhension » d’une personne et, au besoin, la conduire au poste de police en vue d’établir son identité, de l’interroger brièvement, de déterminer si elle a commis une infraction et/ou de déterminer si des recherches doivent être entreprises à son sujet ou au sujet d’objets se trouvant en sa possession[6]. Cette mesure, dont la durée n’est pas clairement définie par la loi, peut déboucher sur la libération de l’intéressé ou son placement en état d’« arrestation provisoire ».

 

L’« arrestation provisoire » d’une personne par la police intervient notamment dans les cas de flagrants délits ou lorsqu’elle est soupçonnée sur la base d’une enquête ou d’autres informations fiables d’avoir commis un crime ou un délit[7]. Une personne arrêtée, puis conduite au poste de police, informée des motifs de son arrestation, renseignée sur ses droits et interrogée sur les faits dont elle est soupçonnée, doit être libérée ou amenée devant le ministère public au plus tard après 24 heures. Si l’arrestation provisoire a fait suite à une appréhension, la durée de celle-ci est déduite de ces 24 heures[8]. Si les soupçons et les motifs de détention sont confirmés, le ministère public propose au tribunal compétent, sans retard mais au plus tard dans les 48 heures à compter de l’arrestation, d’ordonner la détention provisoire ou une mesure de substitution. Le tribunal compétent statue immédiatement, mais au plus tard dans les 48 heures suivant la réception de la demande[9].

 

 

9.         Il est apparu au cours de la visite de 2011 que ces nouvelles dispositions étaient en grande partie respectées. De plus, la durée de l’appréhension, lorsqu’elle précédait le placement en état d’« arrestation provisoire », ne semblait guère dépasser quelques heures dans les faits. Toutefois, dans la République et canton de Genève, certaines personnes ont dit que les fonctionnaires de police les ayant interrogées une fois appréhendées avaient refusé de les informer des faits qui leur étaient reprochés et d’exercer leur droit de faire appel à un avocat alors qu’il se serait avéré lors de leur placement formel en état d’« arrestation provisoire » que ces mêmes policiers avaient déjà en leur possession des éléments sérieux de les soupçonner qu’elles avaient commis un ou plusieurs crimes. Si de telles pratiques ont cours dans le canton de Genève, elles pourraient bien revenir à contourner les nouvelles dispositions légales en vigueur afin de retarder l’exercice, par les personnes concernées, de leurs droits pendant les premières heures de leur privation de liberté. Le CPT souhaite recevoir les remarques des autorités à cet égard.

 

 

2.         Mauvais traitements

 

 

10.       Au cours de la visite, la délégation a accordé une attention particulière au comportement des membres des services de police dans le canton de Genève. Certaines informations recueillies laissent penser que le phénomène des violences policières observées par le CPT dans le passé restait d’actualité. En effet, une proportion préoccupante de personnes détenues entendues par la délégation se sont plaintes de mauvais traitements physiques par des fonctionnaires de la police cantonale dans les quelques mois qui ont précédé la visite. Les coups allégués auraient essentiellement consisté en des coups de poing et/ou des coups de pied, sans qu’elles aient opposé – selon elles – de résistance, et ce en majeure partie dans le cadre d’une « appréhension » (sur le lieu de l’appréhension proprement dite, dans le véhicule les emmenant au poste de police et/ou lors d’un premier interrogatoire au poste de police). Ces allégations étaient le plus souvent étayées par des données médicales précises, figurant dans les constats de lésions traumatiques établis à la prison de Champ-Dollon.

 

Dans certains cas isolés, les mauvais traitements allégués auraient été infligés par du personnel en tenue civile et cagoulé qui ne se serait présenté comme appartenant aux forces de police qu’une fois dans leur véhicule ou à l’arrivée au poste.

 

Il convient de signaler également que plusieurs personnes rencontrées dans le canton de Genève ont fait état d’autres formes de mauvais traitements dans le cadre d’une appréhension/arrestation difficile : écrasement de la tête avec le pied après avoir été plaquée au sol et menottée ou utilisation prolongée de techniques d’« étranglement » (blocage des voies respiratoires avec le pli du coude, par exemple) alors qu’elles auraient été maîtrisées.

 

Les rares allégations de coups recueillies auprès de mineurs visaient des agents du détachement de convoyages et de surveillance de la gendarmerie genevoise lors de leur transfert au centre éducatif de détention et d’observation « La Clairière ». Un médecin de la délégation a également observé, sur un mineur de 15 ans ayant apparemment fait l’objet d’une clé d’étranglement lors d’une intervention policière au centre quelques heures plus tôt, plusieurs lésions témoignant d’une pression non négligeable et prolongée au niveau du cou qui aurait pu mettre gravement en danger la santé de la personne concernée.

 

 

11.       En ce qui concerne le canton de Vaud, la délégation a également recueilli des allégations isolées d’usage excessif de la force en cours d’arrestation par des agents cagoulés du détachement d’action rapide et de dissuasion (DARD).

 

 

12.       Pour ce qui est des cantons de Berne, de Thurgovie, de Zoug et de Zurich, le CPT relève que la quasi-totalité des personnes détenues rencontrées ont fait état de l’attitude respectueuse des fonctionnaires de police à leur égard.

 

 

13.       En début de visite, les interlocuteurs officiels de la délégation ont mis en avant les efforts réalisés visant à limiter au minimum les écarts de conduite ces dernières années, notamment au niveau de la formation continue des forces de l’ordre. Par ailleurs, les fonctionnaires de police avec lesquels la délégation s’est entretenue semblaient parfaitement conscients des implications du principe de proportionnalité dans le cadre d’une appréhension/arrestation. Toutefois, dans le canton de Genève, certains fonctionnaires déploraient les dérapages d’une petite minorité d’agents qui rejaillissaient, selon eux, sur l’ensemble de la profession.

 

De l’avis du CPT, la responsabilité en matière d’évolution des comportements de l’ensemble des fonctionnaires de police incombe en premier lieu à l’état-major et au personnel d’encadrement de la police. Ces derniers devraient promouvoir une culture au sein des services de police où l’attitude correcte que doit adopter tout membre des forces de l’ordre consiste à signaler les cas de mauvais traitements par des collègues dont ils ont connaissance.

 

A la lumière des constatations faites par la délégation au cours de la visite de 2011, le CPT recommande de renforcer l’action menée en matière de prévention des violences policières, notamment :

 

i)                      en rappelant avec la plus grande fermeté aux fonctionnaires de la police cantonale genevoise, ainsi qu’aux agents du détachement d’action rapide et de dissuasion de la police cantonale vaudoise, qu’au moment de procéder à une appréhension/arrestation provisoire, il est impératif de ne pas employer plus de force qu’il n’est strictement nécessaire et que, dès lors que les personnes appréhendées/arrêtées sont maîtrisées, rien ne saurait justifier de les brutaliser ;

 

ii)                    en revoyant, dans le canton de Genève, les normes et procédures applicables aux premiers interrogatoires, notamment l’éventuel interrogatoire d’une personne appréhendée au poste de police. Il convient de veiller à ce que soient systématiquement consignés l’heure du début et de la fin de ce type d’interrogatoire, aussi bref soit-il, ainsi que toute demande faite par la personne appréhendée lors de l’interrogatoire ;

 

iii)                  en développant encore davantage les formations continues de la police cantonale genevoise et du détachement d’action rapide et de dissuasion de la police cantonale vaudoise relatives à l’usage proportionné de la force dans le cadre d’une appréhension/arrestation provisoire ;

 

iv)                  en émettant une nouvelle directive, dans le canton de Genève, interdisant les techniques d’utilisation de la force physique pouvant entraver les voies respiratoires.

 

Il importe également de valoriser les comportements appropriés de fonctionnaires de police vis-à-vis des personnes appréhendées/arrêtées, notamment en encourageant davantage les attitudes consistant à signaler, par les voies appropriées, les cas de violences commises par des collègues ; il doit être clairement compris que la culpabilité en matière de mauvais traitements s’étend non seulement à ceux qui les ont infligés, mais également à toute personne qui sait ou qui devrait savoir qu’il y a ou qu’il y a eu mauvais traitements et qui n’a pris aucune mesure pour les empêcher ou les dénoncer. Une procédure claire de signalement et des mesures de protection efficaces pour celles ou ceux qui donnent l’alarme doit être en place.

 

 

14.       Le port de cagoules par des membres de groupes spéciaux d’intervention peut se justifier, à titre exceptionnel, dans le cadre d’opérations à haut risque effectuées en dehors d’un environnement sécurisé (arrestations dangereuses, par exemple). Cela étant, il convient de veiller à ce que l’identification ultérieure des agents concernés puisse toujours être rendue possible par le port non seulement d’un insigne clairement distinctif, mais également d’un numéro d’identification inscrit sur l’uniforme. En outre, les interventions en question devraient faire l’objet d’un enregistrement vidéo (en équipant les agents concernés de mini-caméras, par exemple).

 

Le port de cagoules par des effectifs de police en tenue civile procédant à une appréhension/arrestation provisoire devrait être proscrit, tant il risque de provoquer une surréaction de la personne à interpeller/arrêter provisoirement et de faire obstacle à l’identification de suspects potentiels dans les cas où des allégations de mauvais traitements seraient formulées. En outre, de tels effectifs de police devraient être clairement identifiables comme appartenant aux forces de l’ordre au moment de l’appréhension/arrestation provisoire (à l’aide d’un brassard d’intervention, par exemple).

 

Le CPT recommande d’adopter les mesures qui s’imposent dans les cantons de Genève et de Vaud, à la lumière de ces remarques.

 

 

15.       Dans son rapport relatif à la visite de 2007, le CPT a recommandé de mettre sur pied, dans le canton de Genève, un organe de contrôle des fonctionnaires d’autorité (police, personnel pénitentiaire, etc.) totalement indépendant des services qu’il aura à contrôler, pleinement habilité à traiter des plaintes formulées à l’encontre des services en question et à mener des enquêtes répondant aux critères d’effectivité. Le Comité relève avec intérêt la mise en place, en octobre 2009, d’une Inspection générale des services (IGS). L’IGS, placée sous l’autorité directe de la cheffe de la police, est compétente en matière disciplinaire et pénale lorsque des agents appartenant aux corps de police ou d’autres fonctionnaires d’autorité (personnel pénitentiaire, par exemple) sont mis en cause. Le CPT souhaite recevoir des précisions quant aux garanties d’indépendance de l’IGS vis-à-vis des services qu’elle a à contrôler, aux moyens mis à sa disposition dans le cadre de ses enquêtes et à son interaction avec le Commissariat à la déontologie. En outre, le Comité souhaite recevoir, pour les années 2010 et 2011, les informations suivantes : (i) le nombre de signalements/plaintes pour mauvais traitements infligés par la police cantonale genevoise ; (ii) le nombre de procédures disciplinaires initiées à la suite de ces signalements/plaintes ; (iii) le nombre d’enquêtes pénales confiées à l’IGS à la suite de ces signalements/plaintes ; (iv) un relevé des sanctions disciplinaires et/ou pénales imposées.

 

 

16.       Le CPT souhaite souligner à nouveau que le rôle du juge devant statuer sur la nécessité d’ordonner la détention provisoire ou une mesure de substitution n’a rien de superflu dans le dispositif de prévention des violences policières. Bien au contraire, le juge doit toujours prendre les mesures qui s’imposent s’il existe des indices d’éventuels mauvais traitements (lésions visibles, apparence ou comportement général de la personne), entre autres lorsque les démarches nécessaires n’ont pas été prises par l’avocat choisi ou commis d’office, ou par le ministère public, lors des stades antérieurs de la privation de liberté. Il est par conséquent primordial que toute personne privée de liberté à l’égard de laquelle la détention provisoire ou une mesure de substitution est requise soit automatiquement traduite devant l’autorité judiciaire appelée à statuer[10]. Or, l’article 225, paragraphe 5, du code de procédure pénale prévoit toujours la possibilité de renoncer expressément à une audience orale.

 

Lors de la visite de 2011, plusieurs personnes détenues avec lesquelles la délégation s’est entretenue dans le canton de Genève, toutes adultes, ne se souvenaient pas avoir vu de juge, sans pour autant avoir renoncé expressément à une audience orale. D’autres ont fait part du désintérêt du tribunal des mesures de contrainte à l’égard de leur plainte de mauvais traitements ; il leur aurait en général été dit qu’elles devaient régler cette question avec leur avocat.

 

Le CPT réitère sa recommandation formulée dans son rapport relatif à la visite de 2007 visant à garantir que toute personne privée de liberté à l’égard de laquelle la détention provisoire ou une mesure de substitution est requise soit automatiquement traduite en personne devant l’autorité judiciaire appelée à statuer sur la nécessité d’ordonner la détention provisoire ou une mesure de substitution. En outre, le Comité recommande que le tribunal des mesures de contrainte de Genève soit davantage sensibilisé quant à la nécessité de veiller à ce que les démarches nécessaires soient entreprises lorsqu’une personne traduite devant lui allègue avoir fait l’objet de violences policières. Même en l’absence d’une allégation explicite de mauvais traitements, le juge doit s’assurer qu’un examen médicolégal est ordonné chaque fois qu’il existe d’autres raisons de croire (comme, par exemple, des lésions visibles ou l’aspect ou le comportement général de la personne concernée) que des mauvais traitements ont pu avoir lieu.

 

 

17.       L’ordonnance fédérale sur l’usage de la contrainte prévoit que les dispositifs incapacitants (à impulsions électriques) peuvent être utilisés à l’encontre de personnes qui ont commis ou qui sont sérieusement soupçonnées d’avoir commis ou afin de prévenir une infraction grave, c’est-à-dire une sérieuse atteinte à la vie, à l’intégrité corporelle, à la liberté, à l’intégrité sexuelle ou à la sécurité publique[11]. De l’avis du CPT, l’utilisation de tels dispositifs devrait se limiter aux situations où il existe un danger réel et immédiat pour la vie ou un risque évident de blessures graves. Le recours à de tels dispositifs dans le seul but d’obtenir l’obéissance à une injonction serait inadmissible.

 

 

Dans son rapport relatif à la visite de 2007, le CPT s’était opposé à l’utilisation de ces dispositifs dans le cadre d’éloignement forcé d’étrangers. L’ordonnance précitée prévoit que l’usage de dispositifs incapacitants est exclu lors de rapatriements par voie aérienne. Le Comité souhaite savoir si cette disposition couvre les opérations d’éloignement d’étrangers à partir des établissements dans lesquels ces personnes sont privées de liberté/hébergées.

 

            Il est apparu lors de la visite de 2011 qu’un nombre croissant d’unités de police cantonales étaient habilitées à utiliser ces dispositifs dans le cadre de missions spécifiques. Il s’agit notamment du Groupe d’intervention de la gendarmerie genevoise. Celui-ci intervenait par exemple lorsque le comportement d’un patient de l’unité cellulaire psychiatrique avait requis une assistance policière. Les membres du groupe étaient habilités à utiliser leurs dispositifs incapacitants dans l’enceinte sécurisée de l’unité[12]. Un cas d’utilisation de tels dispositifs a été recensé, en 2010. Le Comité émet de sérieuses réserves quant à la possibilité d’utiliser des armes à impulsions électriques en milieu psychiatrique fermé[13]. Seules des circonstances très exceptionnelles (une prise d’otages, par exemple) pourraient justifier le recours à des dispositifs incapacitants à impulsions électriques dans un tel environnement sécurisé. Le CPT recommande de veiller à ce que ce principe soit respecté dans le canton de Genève, ainsi que dans tout autre canton où des unités de police seraient habilitées à utiliser des dispositifs incapacitants à impulsions électriques dans un environnement de ce type. Il est également renvoyé au paragraphe 79 en ce qui concerne ce type d’intervention en milieu psychiatrique.

 

            Le Comité souhaite également recevoir des précisions sur le cas d’utilisation de dispositifs incapacitants à impulsions électriques en 2010 mentionné plus haut, ainsi qu’une copie de l’éventuel rapport médicolégal rédigé à la suite de l’incident.

 

 

18.       Plusieurs personnes détenues rencontrées par la délégation dans les cantons de Genève, de Vaud et de Zurich ont fait état d’un menottage excessivement serré lors de leur appréhension/arrestation. Le CPT recommande de faire clairement comprendre aux fonctionnaires de police des cantons concernés que, s’il est jugé indispensable de procéder au menottage d’une personne appréhendée/arrêtée, celui-ci ne doit à aucun moment être excessivement serré[14].

 

 

19.       Les fouilles corporelles intégrales (mises à nu) des personnes appréhendées/arrêtées étaient apparemment réalisées par du personnel de police du même sexe, à l’abri des regards. Toutefois, les constatations faites par la délégation lors de la visite de 2011 laissent penser que les fonctionnaires de police procédaient couramment à ce type de fouilles, en particulier dans le canton de Zurich. De l’avis du CPT, tout recours à la fouille corporelle intégrale doit être une mesure exceptionnelle devant être prise lorsqu’il n’est pas possible de réaliser d’autres types de fouille (fouille par palpation ou utilisation de moyens de détection électronique) ou que ceux-ci sont insuffisants. Le recours à la fouille corporelle intégrale ne devrait en principe se justifier que par les nécessités de l’enquête et être décidée par un officier de police. Le CPT recommande de prendre des mesures afin que ces principes soient dûment respectés dans le canton de Zurich et, le cas échéant, dans d’autres cantons.

 

 

20.       Au cours de la visite de 2011, la délégation a observé, dans l’espace d’accueil du poste de la police municipale « Regionalwache Industrie » de Zurich, la présence d’un objet non étiqueté et non réglementaire susceptible d’être utilisé comme matraque (confectionné à l’aide de câbles métalliques et mesurant 50 cm environ). Le personnel de police avec lequel la délégation s’est entretenue n’a pas pu fournir d’explications quant à la présence d’un tel objet en ces lieux. Le CPT recommande de diffuser des instructions à tous les services de la police municipale de Zurich visant à retirer immédiatement des locaux où des personnes peuvent être accueillies, détenues ou auditionnées tout objet non conforme à la réglementation et susceptible de servir d’arme. Tout objet saisi à des fins de preuve dans le cadre d’une enquête ou pour des raisons de sécurité doit toujours être correctement étiqueté, inventorié, et conservé dans un endroit spécialement réservé à cet effet.

 

 

3.         Garanties contre les mauvais traitements

 

 

21.       Les constatations faites par la délégation au cours de la visite de 2011 démontrent une nouvelle fois que les premières heures de la privation de liberté constituent la période au cours de laquelle le risque de mauvais traitements est le plus grand. Il est par conséquent essentiel que, dans l’intérêt de la prévention des mauvais traitements, toute personne détenue par la police puisse être informée de ses droits et être en mesure de les exercer dès le tout début de la privation de la liberté (c’est-à-dire à partir du moment de l’appréhension, par exemple, ou de l’arrestation provisoire lorsque celle-ci n’est pas précédée par une appréhension). Il s’agit en particulier du droit de faire informer ses proches de sa situation, du droit de faire appel à un avocat et du droit de se faire examiner par un médecin. Toutefois, la délégation a constaté au cours de la visite que les recommandations formulées par le Comité à cet égard dans le passé étaient encore loin d’être mises en œuvre.

 

 

22.       Il convient de rappeler que le droit de toute personne privée de sa liberté de faire informer ses proches est inscrit à l’article 31 de la Constitution fédérale. Le code de procédure pénale suisse prévoit que si une personne est arrêtée provisoirement, l’autorité pénale compétente doit immédiatement informer ses proches, sauf si le but de l’instruction l’interdit ou si la personne concernée s’y oppose expressément [15].

 

 

            Il ressort des constatations faites lors de la visite de 2011 que les personnes appréhendées qui l’avaient demandé n’étaient en principe pas en mesure de faire prévenir un proche de leur situation avant la rédaction d’un procès-verbal d’arrestation provisoire au poste de police (autrement dit, des heures pouvaient s’écouler avant que leur demande ne soit satisfaite). De plus, un certain nombre de personnes, lorsqu’elles étaient en arrestation provisoire, se sont vues refuser l’exercice de leur droit de faire informer un proche, sans raison apparente.

 

Le CPT recommande aux autorités de prendre les mesures qui s’imposent afin que toute personne faisant l’objet d’une appréhension ait le droit de faire informer ses proches au même titre que les personnes arrêtées provisoirement.

 

 

23.       Le Comité reconnaît que l’exercice du droit de faire informer ses proches peut être soumis à certaines exceptions, destinées à protéger les intérêts légitimes de l’instruction. Il doit rappeler à nouveau que de telles exceptions doivent être clairement définies et strictement limitées dans le temps. Dans l’intérêt de la prévention des mauvais traitements, le CPT réitère sa recommandation formulée dans le rapport relatif à la visite de 2007 visant à entourer la possibilité, pour la police, de différer l’exercice de ce droit de garanties appropriées (par exemple, consigner le délai et en indiquer le motif précis ; requérir aussitôt l’aval d’un fonctionnaire de police supérieur, sans lien avec l’affaire, ou du ministère public) et à réduire à un maximum de 48 heures le délai pendant lequel ce droit peut être différé dans le « but de l’instruction ».

 

Le Comité souhaite également recevoir des précisions sur la définition du « but de l’instruction » pouvant justifier l’imposition d’une telle mesure.

 

 

24.       Dans son rapport relatif à la visite de 2007, le CPT a déjà émis de sérieuses critiques quant au fait que le droit de faire appel à un avocat ou de demander un avocat commis d’office[16] ne s’applique qu’à partir de la première audition, et non pas dès le tout début de la privation de liberté, notamment pendant la période de l’« appréhension ». Dans leur réponse, les autorités suisses estiment qu’il n’est pas nécessaire de faire bénéficier les personnes appréhendées du droit d’accès à un avocat étant donné qu’elles ne sont pas formellement soupçonnées d’avoir commis une infraction. Le Comité se doit de rappeler que le droit d’accès à un avocat n’est pas seulement un moyen d’assurer la défense de l’intéressé et de veiller à l’équité des poursuites, il est une pièce maîtresse dans le dispositif de prévention des mauvais traitements, qu’une personne privée de liberté soit formellement soupçonnée ou non d’avoir commis une infraction.

 

            Les constatations de la délégation au cours de la visite de 2011 ne font que confirmer la nécessité de renforcer ce droit, notamment pour les personnes ayant fait l’objet d’une appréhension. A plusieurs reprises, dans le canton de Genève en particulier, des personnes ont dit à la délégation que leur demande de faire appel à un avocat (choisi ou commis d’office) leur avait été refusée au poste de police peu après leur appréhension, voire après leur placement formel en état d’« arrestation provisoire » ; or, dans nombre de ces cas, l’appréhension/arrestation aurait été violente. De plus, il est apparu que la première audition n’avait pas nécessairement lieu le jour même de l’appréhension/arrestation et l’avocat pouvait parfois n’intervenir qu’après une ou plusieurs audition(s).

 

Dans le même temps, plusieurs personnes détenues ont mis en avant le changement d’attitude des fonctionnaires de police une fois qu’un avocat avait été contacté. Dans certains cas, l’implication de l’avocat aurait également permis de diffuser les tensions entre les fonctionnaires de police et la personne arrêtée. Dans d’autres cas, les avocats auraient fait preuve d’une attitude proactive lorsque leurs clients avaient fait état de violences policières. 

 

Le CPT appelle une nouvelle fois les autorités suisses à prendre les mesures nécessaires afin que le droit d’accès à un avocat, en tant que moyen de prévention des mauvais traitements, soit garanti dès le début de la privation de liberté, c’est-à-dire à partir du moment où l’intéressé est privé de sa liberté d’aller et venir par la police. Plus précisément, si dès le début de la privation de liberté, la personne appréhendée/arrêtée demande à faire appel à un avocat, il convient de veiller à ce que le premier interrogatoire ne puisse débuter sans la présence de l’avocat (choisi ou commis d’office) qu’après l’expiration d’un délai précis. Seuls des impératifs exceptionnels clairement définis, tels que la prévention d’une atteinte imminente aux personnes, doit pouvoir justifier le début de l’interrogatoire de la personne détenue sans attendre l’arrivée de l’avocat choisi/commis d’office. De telles mesures nécessitent un réexamen des modalités d’intervention des avocats commis d’office.

 

 

25.       Au cours de la visite de 2011, il est apparu que, dans l’immense majorité des cas, les fonctionnaires de police avaient fait rapidement appel aux services d’un médecin lorsque la personne appréhendée/arrêtée l’avait demandé[17] ou lorsque des soins devaient manifestement être prodigués. Cela étant, plusieurs demandes de personnes rencontrées par la délégation dans le canton de Genève visant à être examinées par un médecin n’auraient pas été satisfaites. Le Comité recommande de prendre les mesures qui s’imposent afin que toute personne appréhendée/arrêtée provisoirement jouisse d’un droit effectif, dès le début de la privation de liberté, d’être examinée par un médecin. Cela implique que toute demande d’une personne appréhendée/arrêtée de voir un médecin doit être satisfaite au plus vite.

 

La délégation a observé que, dans les cantons de Genève et de Zurich, les résultats des examens médicaux (lésions observées, par exemple) avaient été consignés dans des registres. Toutefois, ces résultats étaient accessibles aux fonctionnaires de police. Le CPT reconnaît que le personnel de police doit pouvoir être informé par le médecin intervenant auprès des personnes détenues de la nécessité d’un traitement médical à suivre et des risques sanitaires particuliers. En revanche, donner à des agents de police accès aux informations relatives aux diagnostics effectués ou aux blessures constatées (y compris les déclarations des personnes détenues sur l’origine de ces blessures) n’a aucune justification. Le CPT recommande de prendre des mesures afin que, lorsqu’un médecin est appelé à intervenir auprès des personnes détenues, le personnel de police n’ait accès qu’aux informations médicales strictement nécessaires pour l’accomplissement de sa tâche.

 

 

26.       Les pratiques observées en matière d’informations relatives aux droits lors de la visite de 2011 sont généralement similaires à celles qui avaient cours en 2007. La majorité des personnes détenues rencontrées avaient reçu des explications orales, avec l’aide d’un interprète le cas échéant, et une information écrite sur les droits dans une langue qu’elles comprenaient (généralement disponible dans les postes de police visités sous format électronique). Toutefois, plusieurs personnes détenues avec lesquelles la délégation s’est entretenue ont dit ne pas avoir été informées dès le début de leur privation de liberté, ne pas avoir compris quels étaient leurs droits et/ou qu’aucune information ne leur avait été remise par écrit (à Genève en particulier).

 

            Dans leur réponse au rapport relatif à la visite de 2007, les autorités suisses ont estimé qu’il n’était pas nécessaire de fournir d’informations sur les droits aux personnes appréhendées et que, une fois qu’une personne faisait l’objet d’une arrestation provisoire a reçu ces informations oralement, il n’était pas utile de la les lui fournir par écrit. De l’avis du CPT, toute personne privée de sa liberté doit être aussitôt informée, dans une langue qu’elle comprend, de ses droits. Il s’agit par ailleurs d’un principe fondamental inscrit dans la Constitution fédérale. Il va de soi que ce principe doit concerner toute forme de privation de liberté (y compris dans le cadre d’une appréhension).

 

Le Comité réitère sa recommandation formulée dans son rapport relatif à la visite de 2007 visant à s’assurer que, dans tous les cantons, toutes les personnes privées de liberté par la police soient pleinement informées de leurs droits dès le tout début de la privation de liberté. Cela devrait être assuré dans un premier temps par des renseignements fournis oralement, et complétés dès que possible (c’est-à-dire à l’arrivée au poste de police) par la remise d’une notice énumérant de manière simple les droits des personnes concernées. Ces notices devraient être disponibles dans un éventail approprié de langues. De plus, les personnes concernées devraient être invitées à signer une déclaration attestant qu’elles ont été informées de leurs droits dans une langue qu’elles comprennent.

 

 

27.       La loi fédérale sur la procédure pénale applicable aux mineurs prévoit qu’un mineur peut faire appel à une personne de confiance à tous les stades de la procédure, à moins que l’intérêt de l’instruction ou un intérêt privé prépondérant ne s’y oppose[18]. Outre le droit de faire appel à un avocat (privé ou commis d’office), un avocat doit être désigné lorsque le mineur est passible d’une privation de liberté de plus d’un mois ou d’un placement institutionnel[19].

 

Lors de la visite de 2011, la situation des mineurs privés de liberté par la police genevoise semblait variable. Certains mineurs rencontrés ont dit à la délégation avoir été rapidement informés de leurs droits et en mesure de les exercer. En revanche, d’autres ont affirmé ne pas avoir reçu d’informations sur leurs droits avant d’avoir signé des documents, et ce en l’absence d’un avocat (alors que les faits qui leur étaient reprochés auraient été graves) ou d’une personne de confiance.

 

Le CPT recommande de faire preuve de vigilance afin que les mineurs détenus soient informés de leurs droits dès le début de leur privation de liberté par la police (qu’ils soient appréhendés ou arrêtés provisoirement). En outre, il convient de veiller à ce qu’ils ne soient pas amenés à faire des déclarations ni à signer des documents concernant l’infraction dont ils sont soupçonnés sans bénéficier de la présence d’un avocat et, en principe, d’un adulte de confiance pour les assister.

 

4.         Conditions de détention

 

 

28.       Le CPT relève avec satisfaction que plusieurs lieux de détention visités ont été rénovés ou étaient en cours de rénovation. Les locaux examinés offraient généralement de bonnes conditions matérielles en termes de taille, d’accès à la lumière, d’aération et d’équipement.

 

Le Comité se félicite également de l’installation d’une cloison tout le long du couloir menant les femmes et les mineurs de la prison de la police cantonale de Zurich à l’aire de promenade, de sorte que ces personnes ne soient plus exposées à la vue de tous[20]. De plus, les nouveaux locaux du poste de police cantonale de la gare centrale de Berne, équipés de cellules de taille adéquate, étaient sur le point d’être mis en service.

 

 

29.       Cependant, quelques exceptions sont à signaler dans le cadre de cette évaluation globalement positive. Tout d’abord, les personnes détenues pouvaient parfois passer la nuit dans les cellules individuelles, d’une superficie d’environ 4 m², de l’Hôtel de police et du poste de police des Pâquis de Genève. De l’avis du CPT, une cellule de cette taille n’offre pas suffisamment d’espace pour une détention d’une telle durée.

 

Le CPT recommande de faire en sorte, dans le canton de Genève et, le cas échéant, dans d’autres cantons, qu’aucune cellule de police individuelle mesurant moins de 5 m² ne soit utilisée pour des personnes obligées de passer la nuit en détention. Il tient également à rappeler sa position exprimée de longue date selon laquelle il serait souhaitable que les cellules de police individuelles utilisées pour un séjour dépassant quelques heures mesurent environ 7 m² [21].

 

 

30.       A la prison de la police cantonale de Zurich, les personnes détenues pour quelques jours[22] avaient accès à une aire de promenade. Toutefois, plusieurs personnes avec lesquelles la délégation s’est entretenue ont affirmé que la promenade ne durait pas une heure, et ce malgré les dispositions du règlement intérieur de la prison de la police cantonale de Zurich en la matière[23]. Le CPT recommande de veiller au respect des dispositions de la réglementation en vigueur ayant trait à la durée d’au moins une heure de promenade quotidienne dans la prison de la police cantonale de Zurich.

 

 

31.       La délégation a constaté que les trois cellules dites d’arrêt de la prison de la police cantonale de Zurich avaient été rénovées en vue de leur utilisation comme cellules de sécurité et à des fins d’apaisement. Cependant, le CPT a appris avec préoccupation que des personnes agitées ou agressives étaient parfois menottées au cadre d’un lit en métal dans leur cellule. Aux dires du personnel, cette mesure était appliquée deux ou trois fois dans l’année, en général jusqu’à l’arrivée du médecin urgentiste ou du psychiatre, qui se rendait apparemment sur les lieux dans l’heure. De l’avis du Comité, il est totalement inapproprié de contenir des personnes agitées ou agressives de cette manière. Le CPT recommande de cesser de recourir à de telles mesures à la prison de la police cantonale de Zurich, ainsi que dans tout autre établissement de police de la Confédération. Si une personne détenue se comporte de manière particulièrement violente ou est dans un état d’agitation aiguë, l’utilisation d’entraves peut se justifier. En revanche, la personne concernée ne devrait pas être menottée à des objets fixes mais plutôt être placée sous étroite surveillance dans un environnement sûr. Si nécessaire, les fonctionnaires de police devraient faire appel à une assistance médicale et suivre les instructions du médecin.

 

 

B.        Personnes en détention avant jugement exécutoire ou exécutant des peines privatives de liberté

 

 

1.         Remarques préliminaires

 

 

32.       La délégation a réexaminé la situation des personnes en détention avant jugement exécutoire[24] et des personnes exécutant des peines privatives de liberté dans le cadre de visites de suivi dans le pénitencier de Bochuz (canton de Vaud), dans la prison de Champ-Dollon (République et canton de Genève) et dans le pénitencier de Pöschwies (canton de Zurich)[25]. En outre, elle a examiné pour la première fois la situation de ces catégories de détenus dans le pénitencier intercantonal de Bostadel (cantons de Bâle-Ville et Zoug) et la prison cantonale de Frauenfeld (canton de Thurgovie). De plus, elle a accordé une attention particulière aux mineurs en détention avant jugement ou faisant l’objet d’un mandat d’observation[26] dans le centre éducatif de détention et d’observation « La Clairière » (canton de Genève).

 

 

33.       Le pénitencier de Bochuz, maison de sécurité élevée au sein des établissements de la plaine de l’Orbe, avait été visité par le CPT pour la première fois en 1991[27]. D’une capacité officielle de 155 places, il hébergeait, au moment de la visite, 127 hommes adultes exécutant des sanctions pénales[28], dont 110 en secteur de « responsabilisation » (régime ordinaire de détention). La « division d’attente » (isolement à titre de sûreté ou à titre de sanction disciplinaire) était en cours de rénovation.

 

Ouvert en 1977, le pénitencier de Bostadel, situé à proximité de Menzingen, fonctionnait sous l’autorité de deux cantons, Bâle-Ville et Zoug. Avec une capacité officielle de 118 places, il comptait 115 détenus adultes de sexe masculin exécutant une sanction pénale (pour une grande partie, des peines privatives de liberté de longue durée).

 

 

34.       La prison de Champ-Dollon, établissement essentiellement destiné à la détention avant jugement, avait atteint un niveau record de surpopulation en juillet 2010, avec 622 détenus pour 270 places (soit un niveau de surpopulation de 230 %). La construction en urgence d’une annexe de 100 places supplémentaires (projet « Cento rapido »), entrée en service à peine plus d’un mois avant la visite de 2011, s’est conjuguée à une baisse sensible de la population carcérale dans l’intervalle. Toutefois, le surpeuplement était toujours d’actualité au moment de la visite : avec une capacité officielle de 370 places, l’établissement accueillait 478 détenus (y compris 19 femmes)[29], dont 358 personnes en détention avant jugement exécutoire et 112 faisant l’objet d’une sanction pénale. La majorité des détenus avaient séjourné moins de six mois dans l’établissement ; cela étant, un certain nombre de personnes étaient incarcérées dans cette prison depuis des années (jusqu’à six ans).

 

Les mesures de lutte contre le surpeuplement étaient en grande partie axées sur les projets d’accroissement et de restructuration du parc immobilier pénitentiaire genevois et sur l’augmentation de la capacité officielle de la prison de Champ-Dollon elle-même[30]. Dans le même temps, le CPT a relevé que le taux d’occupation au sein de la prison avait à nouveau fortement augmenté dans les mois qui ont suivi la visite. Il convient de sensibiliser régulièrement les plus hautes autorités judiciaires genevoises sur la situation de la prison de Champ-Dollon, ainsi que sur les principes édictés dans les recommandations pertinentes du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe[31], et de redoubler d’efforts afin que les personnes devant exécuter une sanction pénale soient transférées au plus vite dans des établissements d’exécution des peines et des mesures.

 

 

35.       Située dans des bâtiments modernes regroupant également les services de police pénitentiaire cantonaux, la prison de Frauenfeld est un établissement hébergeant diverses catégories de détenus. Avec une capacité officielle de 56 places, elle hébergeait 54 détenus, dont cinq femmes, au moment de la visite. Parmi ces détenus, 10 étaient en détention avant jugement exécutoire (dont une personne détenue depuis plus d’un an) et 36 exécutaient des peines privatives de liberté ne dépassant généralement pas quelques mois. En outre, huit personnes placées dans cet établissement faisaient l’objet de mesures de contrainte en matière de droit des étrangers.

 

 

36.       Dans la commune de Vernier, le centre éducatif de détention et d’observation « La Clairière » a vu le jour en 1964 et avait été géré par une fondation privée jusqu’au début des années 2000. Le centre avait une capacité officielle de 30 places. Le secteur « préventive », de 14 places, hébergeait 11 jeunes, dont 10 jeunes en détention avant jugement (y compris deux filles)[32], tandis que le secteur « observation » comptait 10 mineurs (dont trois filles) faisant l’objet d’un mandat d’observation. Les jeunes détenus étaient âgés de 12 à 18 ans. La durée de leur séjour au centre variait entre quelques jours et plus de six mois.

 

 

37.       De manière plus générale, il convient de relever que les prisons de Champ-Dollon et de Frauenfeld pouvaient héberger des personnes faisant l’objet de mesures de contrainte en matière de droit des étrangers.

 

A la prison de Frauenfeld, qui – comme indiqué précédemment – accueillait huit personnes appartenant à cette catégorie, les conditions matérielles dans lesquelles elles étaient hébergées étaient analogues à celles des personnes incarcérées en relation avec une infraction pénale, en particulier celles en détention avant jugement. Le temps passé en dehors des cellules se limitait généralement à la durée de la promenade quotidienne (au contact des autres catégories de détenus) et à la possibilité de communiquer entre elles et jouer à des jeux de société pendant une période quotidienne de deux heures et demi en semaine. Pendant les weekends, le temps passé hors cellule se limitait à la promenade de deux heures par jour.

 

Le CPT se doit de souligner qu’un établissement pénitentiaire n’est par définition pas adapté à la détention des personnes faisant l’objet de mesures de contrainte en matière de droit sur les étrangers, lesquelles ne sont par ailleurs ni soupçonnées d’avoir commis une infraction pénale ni condamnées pour avoir commis une telle infraction. S’il est jugé nécessaire de priver de liberté des personnes en vertu du droit des étrangers, celles-ci devraient être hébergées dans des centres spécialement conçus à cet effet, offrant des conditions matérielles et des programmes d’activités adaptés à leur situation juridique et dotés de personnels ayant les qualifications requises. Le CPT recommande d’agir au plus vite aux niveaux fédéral, concordataire et cantonal afin que les personnes faisant l’objet de mesures de contrainte en matière de droit sur les étrangers ne soient pas hébergées en milieu carcéral et soient toujours placées dans des centres spécifiquement conçus à cet effet, répondant aux critères énoncés dans les 7e et 19e rapports généraux du Comité. En attendant, lorsqu’il n’y a encore aucune alternative au placement en milieu carcéral, il convient de veiller à ce que les personnes concernées bénéficient de conditions de détention appropriées[33].

 

 

2.         Mauvais traitements

 

 

38.       L’immense majorité des détenus entendus par la délégation au sein des établissements visités ont fait état du comportement approprié du personnel à leur égard. Dans le pénitencier de Bostadel, la prison cantonale de Frauenfeld et le centre éducatif de détention et d’observation « La Clairière », la délégation n’a par ailleurs recueilli aucune allégation de mauvais traitement par le personnel.

 

 

39.       En ce qui concerne le pénitencier de Bochuz, il convient de souligner le rôle joué durant les mois précédant la visite par la nouvelle direction en place aux établissements de la plaine de l’Orbe dans la réduction significative des tensions qui existaient entre certains membres du personnel, perçus comme provocateurs, et les détenus. Par sa présence régulière dans les locaux de détention et les ateliers, ainsi que sa disponibilité auprès des détenus et du personnel, le directeur semblait avoir provisoirement désamorcé la situation, au prix d’un investissement personnel majeur. Le CPT invite les autorités à renforcer la direction et le personnel d’encadrement des établissements de la plaine de l’Orbe afin d’inscrire cette nouvelle dynamique sur le long terme.

 

 

40.       A la prison de Champ-Dollon, la délégation a relevé l’existence d’un phénomène inverse au cours des mois précédant la visite, à savoir une recrudescence de brimades, de provocations (insultes, etc.), voire plus rarement, de violences physiques à l’encontre de détenu(e)s de la part de certains membres du personnel de surveillance. Les violences physiques alléguées allaient du crachat au visage au passage à tabac par un(e) ou plusieurs agents de détention ou surveillante(s) (allégations parfois étayées par des constats de lésions traumatiques).

 

La direction de l’établissement a reconnu l’existence du problème et tentait d’y remédier en veillant à ce que ce type de cas fasse l’objet d’une enquête approfondie. Toutefois, son analyse du phénomène ne lui a pas permis d’en comprendre les causes éventuelles. Dans le même temps, au cours de la visite, certains membres du personnel et intervenants dans la prison ont lancé quelques pistes de réflexion à ce sujet. Certains ont mis en évidence la présence d’un nombre rarement aussi élevé de stagiaires, manquant d’expérience, parmi le personnel de surveillance ; il avait cependant été pris soin de les répartir de manière équitable dans les différentes équipes de surveillance afin de remédier autant que possible aux éventuelles difficultés d’encadrement. D’autres pensaient voir un déficit croissant de dialogue avec les détenus dans les zones cellulaires, déficit pouvant rapidement devenir générateur de tensions. Enfin, la surpopulation, même à un degré moindre, continuait pour certains d’être un facteur de tensions régulières avec les détenus.

 

Le CPT recommande que la direction et le personnel d’encadrement de la prison de Champ-Dollon exercent une vigilance accrue vis-à-vis du comportement des membres du personnel de surveillance qu’ils ont sous leur responsabilité. La direction doit utiliser tous les moyens à sa disposition pour prévenir tout comportement tel que ceux évoqués plus haut, en particulier : i) rappeler avec la plus grande fermeté et à intervalles réguliers à l’ensemble du personnel de surveillance qu’aucun écart de conduite envers les détenus ne sera toléré et valoriser les comportements exemplaires ; ii) veiller à ce que l’ensemble du personnel d’encadrement ait toujours les qualités et compétences requises à l’exercice de sa fonction ; iii) être régulièrement présente dans les zones de détention ; iv) rester en permanence à l’écoute des détenus, du personnel et de l’ensemble des intervenants dans la prison (intervenants médicaux, sociaux, religieux, etc.).

 

Le Comité souhaite également recevoir, pour l’année 2011, les informations suivantes :

 

-        le nombre de signalements/plaintes de mauvais traitements par le personnel pénitentiaire ;

 

-        le nombre d’enquêtes administratives et/ou pénales engagées à la suite de ces plaintes ;

 

-        le résultat des procédures mentionnées plus haut et un relevé des éventuelles sanctions imposées.

 

 

41.       Dans les établissements visités, la délégation a relevé plusieurs cas de violences et d’intimidation entre détenus. Dans l’ensemble, elle a eu l’impression que le personnel réagissait de manière appropriée. Des enquêtes minutieuses étaient généralement diligentées afin d’établir les faits et, le cas échéant, sanctionner les responsables.

 

            A la prison de Champ-Dollon, la gestion des antagonismes entre certains groupes ethniques (voire la gestion des rivalités au sein même de ces groupes) constituait un véritable défi [34]. Il est apparu lors de la visite de 2011 que des mesures étaient prises aux niveaux de la gestion, de la répression et de la prévention de ce type d’incidents (poursuites disciplinaires et, le cas échéant, transmission du dossier au ministère public, transfèrement dans un autre établissement, limitations des contacts entre membres des groupes antagonistes en question dans le cadre de l’organisation des activités, etc.). Malgré cela, les conflits entre membres de ces groupes n’étaient pas rares[35]. Les efforts déployés à la prison de Champ-Dollon en matière de prévention de la violence et de l’intimidation entre détenus, notamment entre groupes ethniques antagonistes, devraient être poursuivis sans relâche.

 

Dans le pénitencier de Bochuz, certains détenus, concernés par des affaires de mœurs, étaient plus exposés que d’autres au risque de violence et d’intimidation. La direction souhaitait, dans la mesure du possible, ne pas mettre cette catégorie de détenus à l’écart du reste de la population carcérale. Par ailleurs, le personnel de surveillance semblait veiller tout particulièrement à ce qu’ils ne soient pas victimes d’agressions ou d’intimidations. Toutefois, d’après certains détenus, de récentes agressions auraient pu être évitées si le personnel avait été en mesure d’intervenir plus rapidement. En outre, certains détenus appartenant à cette catégorie ont dit devoir accepter de « payer » le prix de leur tranquillité au quotidien (dans le cadre d’arrangements d’ordre financier en particulier). Les autorités compétentes devraient s’engager dans une réflexion approfondie sur les moyens de prévention nécessaires en vue de réduire davantage les risques de violence et d’intimidation de détenus à l’encontre de certaines catégories de détenus plus exposées que d’autres au pénitencier de Bochuz.

 

            Au centre éducatif de détention et d’observation « La Clairière », des jeunes de sexe féminin se sont plaintes de l’absence de réaction des éducatrices et éducateurs lorsque des jeunes du sexe opposé proféraient des insultes, le plus souvent à caractère raciste et à connotation sexuelle, à leur encontre. Il devrait être rappelé au personnel chargé de la prise en charge éducative des mineurs au centre « La Clairière » qu’il doit veiller à ce que les jeunes surveillent leur langage entre eux et doit prendre les mesures qui s’imposent le cas échéant.

 

3.         Détenus mineurs placés au centre éducatif de détention et d’observation « La Clairière »

 

 

42.       Les conditions matérielles dans les cellules des deux secteurs du centre éducatif de détention et d’observation « La Clairière » sont apparues à la délégation comme étant généralement satisfaisantes. Chaque jeune était placé en cellule individuelle, mesurant plus ou moins 15 m² (annexe sanitaire comprise), bien aérées et disposant de larges fenêtres. Les cellules étaient en outre équipées de manière adaptée et propres.

 

Toutefois, certains jeunes ont fait part à la délégation du froid régnant dans leurs cellules lorsque les températures extérieures étaient basses. Le CPT invite les autorités à vérifier le système de chauffage et l’isolation dans l’ensemble des cellules du centre.

 

            Il ressort des informations recueillies dans le cadre de la visite que de longs délais de réaction pouvaient parfois intervenir lorsque les jeunes détenus actionnaient l’interphone de leur cellule, en particulier la nuit. Il conviendrait de rappeler aux personnels de surveillance et de sécurité qu’ils doivent veiller à répondre au plus vite aux jeunes placés en cellule lorsque ceux-ci tentent d’attirer leur attention et, le cas échéant, prendre les mesures qui s’imposent.

 

 

43.       Le CPT relève que, d’après l’article 16 du règlement du centre[36], les mineurs ne sont pas autorisés à conserver leurs vêtements personnels. L’établissement fournit aux mineurs des vêtements appropriés. De l’avis du Comité, les mineurs devraient être autorisés à porter leurs propres vêtements s’ils sont adéquats[37].

 

 

44.       En matière de prise en charge éducative, une nouvelle dynamique était en train d’être créée au moment de la visite. Un concept était en cours d’élaboration et l’objectif consistant à permettre aux jeunes de passer un minimum de huit heures par jour en dehors de leur cellule, conformément aux Règles européennes pour les délinquants mineurs faisant l’objet de sanctions ou de mesures[38], était plus ou moins atteint lors de la visite. Les jeunes participaient à divers programmes d’activités scolaires, créatives, sportives et de loisirs, ainsi qu’à des activités d’apprentissage et de formation. Les espaces prévus pour ces activités étaient généralement appropriés (terrain de sports, dojo, salle de musculation, salle de classe, atelier cuisine, atelier bois, etc.). Les jeunes détenus de l’établissement, qu’ils soient de sexe féminin ou masculin, ont unanimement dit apprécier les efforts réalisés en la matière, y compris les weekends.

 

            Cela étant, la prise en charge éducative des jeunes pouvait être affectée par certaines contraintes, notamment en termes d’espace. Par exemple, la prise en charge éducative risquait d’être rapidement mise à mal dans les cas où il était demandé au centre de veiller à ce que plusieurs mineurs en détention provisoire ne soient pas en contact dans l’intérêt de l’instruction les concernant.

 

Le CPT recommande aux autorités compétentes de continuer de soutenir les efforts réalisés au centre éducatif « La Clairière » afin que les jeunes détenus, qu’ils soient de sexe masculin ou féminin, puissent passer au moins huit heures en dehors de leur cellule (y compris les weekends et les jours fériés) et participer à des programmes d’activités motivantes et structurées adaptés aux besoins de chacun et visant à remplir des fonctions d’éducation, de développement personnel et social, de formation professionnelle, de réinsertion et de préparation à la remise en liberté, à la lumière des Règles européennes pour les délinquants mineurs faisant l’objet de sanctions ou de mesures. Dans ce contexte, les autorités doivent veiller à ce que le centre bénéficie de toute l’infrastructure nécessaire afin notamment de pouvoir faire face aux contraintes imposées par les tribunaux.

 

            Le Comité souhaite recevoir, en temps voulu, une copie du concept de prise en charge éducative dans sa version définitive.

 

 

4.         Situation des personnes détenues placées en unité de haute sécurité ou soumises à un régime de « sécurité renforcée »

 

 

a.         introduction

 

 

45.       La délégation a examiné la situation des détenus placés en unité de haute sécurité dans les pénitenciers de Pöschwies et de Bostadel. Au moment de la visite, l’unité de haute sécurité du pénitencier de Pöschwies hébergeait six détenus (pour une capacité de sept places) et celle du pénitencier de Bostadel en accueillait sept (pour une capacité de dix places). A la prison de Champ-Dollon, la délégation a examiné la situation de deux détenus formellement soumis à un régime de « sécurité renforcée », comparable à une mise à l’isolement, dans l’aile « nord » de l’établissement. La délégation a également visité les locaux de la « division d’attente » (unité de haute sécurité) du pénitencier de Bochuz, lesquels étaient en cours de rénovation au moment de la visite.

 

 

b.         conditions de détention

 

 

46.       Les conditions matérielles dans les unités de haute sécurité des pénitenciers de Bostadel et de Pöschwies et celles des détenus soumis à un régime de « sécurité renforcée » dans la prison de Champ-Dollon étaient bonnes et n’appellent aucun commentaire particulier. Les cellules étaient de taille adéquate, correctement éclairées, aérées et équipées et se trouvaient dans un bon état d’entretien.

 

            Le Comité tient également à saluer le fait que, pendant la visite de 2011, les cellules longue durée de la « division d’attente » du pénitencier de Bochuz faisaient l’objet de travaux pour être agrandies à 14 m² minimum (toilettes non comprises) et équipées de matériel moderne en matière de sécurité incendie[39]. De plus, les cellules comportant des fenêtres de verre dépoli étaient en cours de transformation en salles d’activité et ne devaient plus servir à l’hébergement de détenus. Le CPT souhaite recevoir savoir si la « division d’attente » du pénitencier de Bochuz est désormais en service.

 

47.       En ce qui concerne les programmes d’activités et les contacts humains, le CPT a relevé qu’au pénitencier de Bostadel, des tentatives avaient été effectuées pour établir un régime de réintégration progressive vers le régime de détention ordinaire.

 

            Au cours de la première phase, d’une durée minimum de quatre semaines, les détenus étaient placés à l’isolement. Ils travaillaient seuls en cellule, effectuaient leur promenade à l’air frais seuls et avaient accès seuls à la salle de gym. Les détenus avaient le droit d’écrire des lettres, de regarder la télévision et d’écouter la radio dans leur cellule. Au cours des deuxième et troisième phases, le régime s’assouplissait peu à peu : les contacts avec le monde extérieur étaient autorisés et le travail et les activités pouvaient peu à peu s’effectuer avec d’autres détenus de l’unité de haute sécurité[40].

 

            Cependant, dans les faits, la situation était loin d’être satisfaisante : les détenus ne bénéficiaient d’activités en commun avec les autres détenus placés en conditions de « haute sécurité » que s’ils se trouvaient soumis au même régime ou au même stade de progression, ce qui n’était pas fréquent. De plus, l’interdiction visant les visites et les appels téléphoniques imposée au premier stade n’est pas acceptable ; quant aux deuxième et troisième phases, les visites se déroulaient toujours à travers un dispositif de séparation. Les contacts avec le personnel (y compris le personnel de santé, les psychologues, etc.) avaient également lieu à travers un tel dispositif. De fait, pour un grand nombre de détenus, les visites étaient inexistantes, les contacts avec le personnel très limités et le régime quotidien médiocre – il prenait fin à 16h15.

 

 

48.       Le CPT est encore plus préoccupé par la situation observée dans l’unité de haute sécurité du pénitencier de Pöschwies. Le régime était identique à celui qui était en place lors de sa visite de 2007 et s’apparentait, pour les détenus, à une mise à l’isolement à raison de 23 heures par jour. Les recommandations formulées dans le précédent rapport de visite relatives à l’offre d’activités motivantes et à un niveau de contact humain approprié n’avaient pas été mises en œuvre. Les détenus travaillaient seuls dans leur cellule et effectuaient généralement seuls leur promenade quotidienne (exceptionnellement, il arrivait que deux détenus soient autorisés à effectuer leurs promenades ensemble). Le régime quotidien était médiocre et s’achevait à 17 h. Les détenus avaient droit aux appels téléphoniques et aux visites ; ces dernières se déroulaient toutefois au moyen d’un dispositif de séparation. Les contacts avec le personnel (y compris le personnel soignant), très restreints, se déroulaient uniquement à travers la trappe de la porte de la cellule ou au moyen d’un dispositif de séparation. Aucune tentative visant à élaborer un plan de réadaptation n’avait été effectuée pour réintégrer les détenus au régime de détention ordinaire dans des délais aussi brefs que possible. En fait, les détenus ne savaient pas ce qu’il était attendu d’eux ni que faire pour qu’il soit mis fin à leur isolement.

 

 

49.       De même, à la prison de Champ-Dollon, le régime des quelques détenus soumis à un régime de « sécurité renforcée » pouvait s’assimiler à une mise à l’isolement : ils passaient 23 heures par jour confinés en cellule individuelle et, mise à part une heure de promenade quotidienne, généralement seuls, ils ne disposaient que de la lecture comme principale activité.

 

 

50.       Pour contrebalancer les effets négatifs de la mesure prise à leur égard, le CPT a recommandé à plusieurs reprises aux autorités suisses d’offrir aux détenus placés en régime de haute sécurité ou de « sécurité renforcée » un programme d’activités variées et motivantes et un niveau satisfaisant de contacts humains[41]. Dans leur réponse au rapport relatif à la visite de 2007, les autorités suisses du canton de Zurich avaient affirmé que, pour des raisons liées à la sécurité, les détenus soumis à ces régimes ne pouvaient pas être autorisés à avoir des contacts avec d’autres détenus au sein de leur secteur de détention ; pour les mêmes raisons, il était exclu également d’accroître les contacts avec le personnel de surveillance.

 

            De l’avis du Comité, les mesures de sécurité – telles que l’interdiction totale de contacts avec les autres détenus ou la restriction des contacts humains à l’aide de dispositifs de séparation – ne devraient jamais être systématiques, mais elles devraient reposer sur une évaluation individuelle des risques. De plus, le CPT souhaite souligner une fois encore que l’isolement pour de longues périodes, voire des années, dans les conditions décrites ci-dessus, sans la moindre perspective de changer de régime, comporte un risque élevé de traitement inhumain et dégradant[42].

 

            Le Comité appelle les autorités suisses à améliorer les conditions de détention des personnes placées en unité de haute sécurité ou soumises à un régime de « sécurité renforcée »[43].  L’objectif devrait être, tout au long de la mesure, de persuader le détenu de réintégrer le régime ordinaire de détention. Les détenus concernés devraient bénéficier d’un programme individualisé, axé sur la manière de traiter les motifs du placement/régime imposé. Ce programme devrait chercher à maximiser les contacts avec autrui – le personnel pour commencer puis, dès que possible, d’autres détenus appropriés – et proposer un éventail d’activités le plus vaste possible pour occuper les journées. Il devrait y avoir un fort encouragement de la part du personnel pour que le détenu participe à des activités et les contacts avec le monde extérieur doivent être facilités. L’interdiction totale de contacts familiaux, comme c’est le cas au cours des premières semaines dans l’unité de haute sécurité de Bostadel, et l’imposition de visites avec dispositif de séparation, sont contre-productives.

 

            Afin de permettre aux détenus placés en unité de haute sécurité de bénéficier de contacts humains appropriés, des espaces réservés aux activités en commun, des parloirs ouverts et des pièces adaptées pour les entretiens avec les différents types de personnels doivent être aménagés pour cette catégorie de détenus. La pratique observée dans les pénitenciers de Bostadel et de Pöschwies consistant, pour les différents types de personnels, à mener des entretiens à travers la trappe de la porte de la cellule ou un dispositif de séparation est incompatible avec le respect de la dignité humaine et ne permettent pas l’établissement de relations positives entre le personnel et les détenus.

 

 

c.         surveillance médicale

 

 

51.       Les détenus placés en unité de haute sécurité ou soumis à un régime de « sécurité renforcée » dans les établissements visités étaient vus régulièrement par des membres du personnel de santé ; toutefois, le personnel de santé ne leur rendait pas visite tous les jours.

 

            Le CPT recommande que des mesures soient prises dans tous les établissements pénitentiaires suisses afin que toute personne placée dans des conditions d’isolement cellulaire (notamment en unité de haute sécurité ou dans le cadre d’un régime de « sécurité renforcée ») reçoive quotidiennement la visite d’un médecin ou d’un infirmier qualifié faisant rapport à un médecin[44]. Le médecin doit rendre compte à la direction de l’établissement dès lors que la santé d’un détenu est gravement mise en danger.

 

            Pour ce qui est de la pratique consistant à effectuer les consultations médicales à travers la trappe de la porte de la cellule ou un dispositif de séparation, il est renvoyé à la recommandation pertinente formulée au paragraphe 50.

 

 

d.         placement

 

 

52.       A Bochuz, Bostadel, Champ-Dollon et Pöschwies, le placement d’un détenu dans des conditions de haute sécurité ou de « sécurité renforcée » devait être décidé soit par les autorités pénitentiaires cantonales, soit par la direction de l’établissement[45]. Les décisions étaient généralement communiquées par écrit à l’intéressé et accompagnées des raisons les ayant motivées ainsi que des voies et délais de recours.

 

            Toutefois, à la prison de Champ-Dollon, l’examen des dossiers a révélé que certains détenus avaient été placés dans des conditions équivalentes à une mise à l’isolement en dehors de toute procédure formelle. Les détenus concernés avaient apparemment été placés dans de telles conditions en raison de risques liés à la sauvegarde de la sécurité collective ou pour des motifs de protection. Le CPT recommande de suivre les procédures appropriées chaque fois qu’il est considéré comme nécessaire, à la prison de Champ-Dollon, de placer un détenu dans des conditions de « sécurité renforcée ».

 

 

53.       Le CPT est en outre préoccupé par le fait que les détenus placés en unité de haute sécurité dans les pénitenciers de Bostadel et de Pöschwies n’étaient généralement pas entendus en personne avant la prise de décision. La seule possibilité dont ils disposaient était de présenter leur avis par écrit après réception de la décision.

 

 

           

 

Le Comité émet de sérieuses réserves quant au fait que le placement à l’isolement est systématiquement décidé pour une période (renouvelable) de six mois à Bochuz, Bostadel et Pöschwies. Il est apparu qu’à Pöschwies et à Bostadel, le placement en unité de haute sécurité prenait rarement fin avant l’expiration de cette période. En revanche, à la prison de Champ-Dollon, le placement dans des conditions de « sécurité renforcée » était généralement décidé pour une période inférieure à six mois et des efforts étaient réalisés en vue de lever la mesure avant la date de réexamen. De l’avis du CPT, il est indispensable qu’à la suite de la décision initiale de placement dans des conditions de sécurité aussi élevées, cette décision soit réexaminée au moins un mois après le début du placement, puis au moins tous les trois mois[46].

 

            Le CPT recommande de prendre des mesures visant à garantir que, dans les pénitenciers de Bostadel et de Pöschwies, ainsi que dans tout autre établissement pénitentiaire suisse, le détenu concerné soit entendu en personne sur ce placement avant toute prise de décision formelle. Il importe également que toutes les autorités cantonales prennent des mesures pour amender les dispositions légales pertinentes afin qu’elles garantissent que la décision initiale de placement dans des conditions de « sécurité renforcée » ou de haute sécurité soit réexaminée au moins un mois après le début du placement, puis au moins tous les trois mois.

 

 

5.         Conditions de détention de la population carcérale générale

 

 

a.         personnes détenues adultes de sexe masculin

 

 

54.       La délégation a observé des conditions matérielles d’un niveau élevé dans les pénitenciers de Bochuz et de Bostadel, ainsi que dans la prison de Frauenfeld. Les cellules, généralement individuelles, avaient une superficie suffisante (généralement entre 8 et 10 m², annexe sanitaire séparée comprise)[47]. Dans l’ensemble, elles étaient lumineuses, aérées, bien équipées et propres. Les détenus avaient la possibilité de prendre une douche tous les jours. De plus, la délégation n’a pas recueilli de plainte en ce qui concerne les repas.

 

 

55.       Les conditions matérielles observées dans la nouvelle aile « est » de la prison de Champ-Dollon étaient fort satisfaisantes : les cellules à vocation individuelle de 12 m² étaient, dans les faits, occupées par un seul détenu et les quelques cellules triples de 25 m² par trois détenus. Les annexes sanitaires cloisonnées étaient notamment équipées de toilettes et d’une douche.

 

 

Par contre, dans l’aile « nord » et l’aile « sud », les conditions en cellule demeuraient, le plus souvent, comparables à celles observées quatre ans plus tôt[48]. En raison de la surpopulation carcérale, jusqu’à trois détenus avaient pu être hébergés dans les cellules « individuelles » de 12 m² (annexe sanitaire comprise) et jusqu’à six détenus avaient pu être placés en cellule « triple » de 25 m² (voir le paragraphe 34 pour ce qui est du problème générale de surpopulation dans l’établissement). Cela étant, des efforts avaient été réalisés pour installer des douches dans les cellules « triples ».

 

 

56.       En matière de sécurité incendie, qui a fait l’objet de préoccupations dans le cadre de la visite précédente, le CPT relève que deux membres du personnel formés à la fonction de sapeur-pompier étaient désormais présents à toute heure dans l’établissement et disposaient d’un équipement adéquat. Il ressort des constatations de la délégation que, dans les mois qui ont précédé la visite, les incendies en cellule avaient été maîtrisées rapidement et sans difficultés majeures. Quelques mois après la visite, il a été fait état de nouveaux incendies ayant nécessité l’hospitalisation de certains détenus. Le Comité souhaite recevoir des précisions à ce sujet.

 

La délégation n’a guère entendu de plaintes en ce qui concerne les repas, lesquels étaient servis à une température appropriée. Le système de distribution avait été modifié (au profit d’un système de distribution « à la louche ») et des chariots chauffants devaient être livrés avant la fin de l’année 2011. Des mesures avaient également été prises en vue d’améliorer les conditions d’hygiène en cuisine, en attendant la construction d’une nouvelle cuisine. Le CPT souhaite recevoir confirmation que le nouveau système de distribution des repas est désormais en place. Le Comité souhaite également recevoir des informations à jour en ce qui concerne la construction d’une nouvelle cuisine.

 

 

57.       Dans les établissements visités, les détenus pouvaient se rendre au moins une heure par jour dans des espaces de promenade généralement vastes et bien équipés.

 

            Toutefois, à la prison de Frauenfeld, certaines personnes en détention provisoire n’avaient accès qu’à une aire d’exercice de configuration oppressive (austère et entièrement recouverte) et d’une superficie relativement modeste (50 m² environ). Le CPT recommande de prendre des mesures afin que toutes les personnes en détention provisoire dans cet établissement aient accès quotidiennement à une aire de promenade appropriée.

 

 

58.       En matière d’activités, les pénitenciers de Bochuz et de Bostadel offraient tous les deux des programmes complets à la quasi-totalité de la population carcérale en exécution de peine, sur la base de plans personnalisés élaborés en consultation avec les détenus. Au pénitencier de Bochuz par exemple, 116 détenus prenaient part à des animations professionnelles (informatique, cuisine, boulangerie, électricité, peinture, etc.) et/ou suivaient des cours en semaine (français, anglais, allemand, philosophie, dessin, musique).

 

 

Sauf dérogation, les détenus en régime de détention ordinaire étaient astreints au travail, généralement à temps plein, dans l’un des onze ateliers du pénitencier de Bochuz (imprimerie, peinture, électricité, menuiserie, etc.) ou des neuf ateliers du pénitencier de Bostadel (charpenterie, métallurgie, etc.). Des aménagements pouvaient être faits pour les détenus âgés de plus de 65 ans (possibilité de travailler à mi-temps au pénitencier de Bochuz, par exemple). Toutefois, certains détenus âgés rencontrés au cours de la visite se sont fortement interrogés sur l’obligation légale de travailler au-delà de l’âge de la retraite en milieu libre ou en cas de mobilité fortement réduite. Le CPT souhaite recevoir les remarques des autorités suisses à ce sujet.

 

 

59.       La situation était différente dans les prisons de Champ-Dollon et de Frauenfeld. A la prison de Champ-Dollon, l’ouverture de l’aile « est » a permis d’accentuer la progressivité du régime de détention au sein de l’établissement, des demi-unités 1 nord-nord et 2 nord-nord, où les détenus étaient généralement confinés en cellule 23 heures sur 24, aux unités de détention de l’aile « est », où les détenus bénéficiaient d’un travail rémunéré, avaient accès à une salle de fitness au sein de leur unité de détention et prenaient leurs repas en commun. Comme en 2007, près d’un tiers de la population carcérale seulement, soit 149 détenus occupaient un poste de travail lors de la visite. Les temps d’attente pour obtenir un emploi s’étalaient sur plusieurs mois et pouvaient varier du simple au double en période de très forte surpopulation. En matière d’enseignement, à peine 7 % de la population, soit 35 détenus, suivaient des cours (français, anglais, mathématiques, etc.) ; un certain nombre de détenus, en détention provisoire notamment, se sont plaints des longs délais d’attente en la matière.

 

            A la prison de Frauenfeld, la priorité était donnée aux détenus en exécution de peine, pour lesquels il était déjà difficile de garantir un poste de travail. Les détenus n’ayant pas de travail, les personnes en détention avant jugement en particulier, devaient par conséquent se contenter d’une demi-heure de temps libre par jour en dehors des cellules, en plus de l’heure de promenade quotidienne. Les membres du personnel tentaient de combler quelque peu l’inactivité de ces détenus en organisant des activités de loisir en groupe (jeux, etc.) plus ou moins une fois par mois.

 

Le Comité recommande de poursuivre avec détermination les efforts entrepris visant à proposer aux personnes incarcérées, qu’elles soient en détention avant jugement exécutoire ou en exécution de peine, des activités adaptées allant du sport à un travail rémunéré, en passant par des programmes d’enseignement et de formation, leur permettant ainsi de passer une partie raisonnable de la journée, y compris les weekends et les jours fériés, hors de leur cellule. Dans ce contexte, les autorités compétentes doivent prendre les mesures qui s’imposent afin d’augmenter les postes de travail dans les prisons de Champ-Dollon et de Frauenfeld.

 

 

b.         personnes détenues adultes de sexe féminin

 

 

60.       Le projet « Femina » relatif à la construction d’une infrastructure de 60 places dédiées aux femmes en détention avant jugement, à proximité de la prison de Champ-Dollon, n’était plus une priorité au moment de la visite. Les 19 femmes détenues à la prison de Champ-Dollon étaient hébergées, seules ou à deux en cellule, dans la demi-unité 3 nord-centre. Les conditions matérielles en cellule étaient similaires à celles des hommes et n’appellent pas davantage de commentaires.

 

            La prison de Frauenfeld ne disposait que d’une zone de quatre cellules individuelles dévolue à la détention des femmes. Au cours de la visite, la délégation a observé qu’un atelier avait dû être réaménagé en urgence en cellule afin d’héberger une cinquième femme détenue. Il convient de veiller à ce que les femmes détenues soient toujours hébergées dans des cellules appropriées.

 

 

61.       Les femmes incarcérées dans les deux prisons avaient accès à un espace de promenade une heure par jour. Cela étant, à la prison de Frauenfeld, les femmes n’avaient accès qu’à l’aire de promenade d’une superficie relativement modeste et de configuration oppressive mentionnée au paragraphe 57. La recommandation formulée au paragraphe 57 s’applique également aux femmes détenues à la prison de Frauenfeld.

 

 

62.       A la prison de Champ-Dollon, des efforts avaient été consentis en vue d’offrir quelques activités motivantes. Les femmes détenues bénéficiaient d’un travail, même si le choix restait beaucoup plus limité que celui des hommes (atelier poterie ou buanderie). Huit d’entre elles suivaient des cours hebdomadaires de langue (français ou anglais) d’une durée de 45 minutes à une heure. Les femmes détenues avaient également accès deux fois par semaine à la grande salle de sport.

 

A la prison de Frauenfeld, la situation des femmes était moins favorable. Elles pouvaient certes passer deux heures de temps libre hors cellule par jour, au sein de leur zone de détention, en plus de l’heure de promenade quotidienne. Toutefois, elles ne bénéficiaient ni d’un travail ni d’un programme de formation ou d’enseignement, ni même d’activités de loisirs en groupe, contrairement aux hommes.

 

            Le CPT recommande d’entamer les démarches nécessaires à la prison de Frauenfeld afin de proposer aux femmes détenues un programme d’activités adaptées (travail, programme de formation/d’enseignement, activités sportives, culturelles et de loisirs, etc.). En outre, le Comité invite les autorités à soutenir encore davantage les efforts réalisés à la prison de Champ-Dollon en vue de proposer aux femmes détenues une palette d’activités comparables à celle proposée aux hommes.

 

Le CPT souhaite également être informé de l’avenir du projet « Femina » dans le cadre de la programmation pénitentiaire des autorités genevoises.

 

 

6.         Soins de santé

 

 

a.         prise en charge sanitaire générale dans les établissements pénitentiaires visités

 

 

i.          effectifs

 

 

63.       En ce qui concerne le personnel médical chargé des soins somatiques, la situation était satisfaisante à la prison de Champ-Dollon[49], comme ce fut déjà le cas lors de la visite de 2007. Il en allait de même dans le pénitencier de Bostadel et au centre éducatif de détention et d’observation « La Clairière »[50].

 

Toutefois, au pénitencier de Bochuz, les trois médecins généralistes semblaient peiner à répondre aux besoins de la population carcérale[51]. En effet, la délégation a recueilli un certain nombre de plaintes de longs délais d’attente pour une consultation médicale (s’étalant jusqu’à une dizaine de jours) et ces délais pouvaient encore être rallongés dans le cas de consultations spécialisées (jusqu’à plusieurs mois). Le CPT recommande d’accroître le temps de consultation hebdomadaire des médecins généralistes et d’améliorer l’accès aux soins spécialisés au pénitencier de Bochuz.

 

A la prison de Frauenfeld, l’accès à un médecin ne reposait que sur un système d’astreinte ; aucune présence médicale n’était assurée. Le CPT recommande de mettre en place un système de visites régulières par un médecin généraliste dans cet établissement.

 

 

64.       En ce qui concerne les soins psychiatriques et psychologiques, les effectifs étaient suffisants à la prison de Champ-Dollon, aux pénitenciers de Bochuz et de Bostadel et au centre éducatif de détention et d’observation «La Clairière»[52], sous réserve des remarques formulées au paragraphe 72 et dans la partie II.C. du présent rapport.

 

 

Par contre, à la prison de Frauenfeld, aucun système de consultations psychiatriques/psychologiques régulières n’avait été mis en place bien que, d’après le personnel, un certain nombre de détenus souffrant de troubles psychiatriques avaient été admis dans cette prison ces dernières années. Il convient de mettre en place un système de visites régulières par un psychiatre dans cet établissement.

 

 

65.       En ce qui concerne le personnel paramédical, la situation était généralement satisfaisante à la prison de Champ-Dollon. L’équipe infirmière intervenant dans l’établissement se composait de l’équivalent de 13,5 postes et travaillait de 8h à 18h en semaine. De plus, une présence infirmière était assurée la nuit, les weekends et les jours fériés.

 

En revanche, dans les pénitenciers de Bochuz et de Bostadel, ainsi qu’au centre éducatif « La Clairière », l’organisation des services de santé, en fonction des effectifs disponibles, conduisait à ne pas assurer de permanence la nuit, les weekends et les jours fériés[53]. A la prison de Frauenfeld, aucun système de visites régulières par une infirmière ni aucune présence infirmière en journée ou la nuit n’était assuré(e). Le CPT recommande d’assurer une présence infirmière les weekends et les jours fériés dans les pénitenciers de Bochuz et de Bostadel, ainsi qu’au centre éducatif « La Clairière ». De plus, un système de visites infirmières quotidiennes doit être instauré à la prison de Frauenfeld.

 

Le Comité recommande également que la présence de personnel qualifié pour dispenser les premiers soins, de préférence du personnel infirmier diplômé, soit toujours assurée en période nocturne.

 

 

ii.         préparation et distribution des médicaments

 

 

66.       A la prison de Champ-Dollon, la préparation et la distribution des médicaments étaient assurées par le personnel infirmier. Cela étant, il a été indiqué à la délégation que la préparation des médicaments était particulièrement chronophage et que le temps consacré aux tâches infirmières s’en trouvait réduit de manière significative. Le CPT invite les autorités à permettre le recrutement d’un préparateur en pharmacie à la prison de Champ-Dollon.

 

 

Dans les pénitenciers de Bochuz et de Bostadel, le personnel de surveillance devait distribuer les médicaments aux détenus en dehors des horaires de travail du personnel de santé (prise du soir en semaine, les weekends et les jours fériés). Ce type de tâche était également imposé aux éducateurs du centre éducatif de détention et d’observation « La Clairière » les weekends et les jours fériés, en l’absence du personnel de santé. A la prison de Frauenfeld, la situation était encore plus préoccupante ; le personnel de surveillance était non seulement impliqué dans la distribution des médicaments, mais également dans la préparation de ces médicaments. La mise en œuvre des recommandations formulées au paragraphe 65 devrait permettre de garantir que la gestion des médicaments soit toujours effectuée par du personnel qualifié dans les établissements pénitentiaires de Bochuz, de Bostadel et de Frauenfeld, ainsi qu’au centre éducatif « La Clairière ».

 

 

iii.       examen médical à l’admission ou à la suite d’un épisode violent en milieu carcéral

 

 

67.       A la prison de Champ-Dollon, une consultation infirmière était organisée peu après l’admission ou à la demande des détenus en cours de détention. Cette première évaluation était suivie d’une consultation médicale les jours suivants, le cas échéant. Une approche analogue avait été adoptée dans les pénitenciers de Bochuz et de Bostadel, ainsi qu’au centre éducatif de détention et d’observation « La Clairière ». En revanche, les détenus de la prison de Frauenfeld n’étaient pas soumis à un examen médical à l’admission. Le CPT se doit de rappeler qu’un tel examen constitue une mesure sanitaire préventive essentielle, dans l’intérêt tant des personnes détenues que du personnel, et permet entre autres de détecter des éventuelles lésions traumatiques à l’arrivée dans l’établissement. Un tel examen est également crucial pour identifier les détenus ayant des tendances suicidaires ou ayant des problèmes de dépendance à la drogue. Le CPT recommande que toute personne détenue nouvellement arrivée à la prison de Frauenfeld, ainsi que dans tout autre établissement pénitentiaire de la Confédération, fasse systématiquement l’objet d’un premier examen par un professionnel de santé dans les 24 heures suivant son admission.

 

 

68.       La délégation a examiné avec une attention particulière les constats de lésions traumatiques (CLT) établis en période d’admission ou à la suite d’un épisode violent à la prison de Champ-Dollon. La qualité de ceux-ci pourrait à bien des égards inspirer d’autres services de médecine pénitentiaire du pays. Les CLT décrivaient avec beaucoup de précision les déclarations des patients et les lésions traumatiques observées. En outre, les détenus ont dit que leur avocat et/ou eux-mêmes avaient reçu, suite à leur demande, une copie du CLT les concernant. Toutefois, les constats ne contenaient aucune conclusion sur le lien de causalité éventuel qui pouvait exister entre les déclarations du détenu et les constatations médicales objectives. En outre, aucune expertise médicolégale n’a semblé avoir été sollicitée dans des délais raisonnables dans les cas où des lésions traumatiques observées étaient susceptibles d’avoir été causées par des mauvais traitements.

 

 

Il convient également de relever que les CLT n’étaient pas systématiquement transmis à une autorité indépendante habilitée à mener des enquêtes sur les activités des fonctionnaires d’autorité. Les constats étaient envoyés à la direction de la prison ou à la cheffe de la police et au commissaire à la déontologie de la police (suivant qu’il s’agisse d’éventuelles violences en milieu carcéral ou de violences policières) seulement lorsque l’accord du détenu avait été obtenu au préalable. Par conséquent, un certain nombre de constats d’éventuelles violences échappaient à l’attention des organes de contrôle. Par ailleurs, il ressort des entretiens avec les détenus concernés que certains ignoraient l’objectif exact d’une telle transmission. Ils estimaient en effet que leur accord revenait à un dépôt de plainte tandis que d’autres estimaient que ces constats allaient leur causer préjudice en raison de leur transmission aux autorités dont dépendent directement les éventuels auteurs de violences.

 

Le CPT recommande de prendre des mesures afin que les services de médecine pénitentiaire des établissements visités, ainsi que les autres services de médecine pénitentiaire de la Confédération, jouent pleinement leur rôle dans le dispositif de prévention des mauvais traitements en veillant à ce que :

 

-        les médecins indiquent en conclusion des constats de lésions traumatiques, chaque fois qu’ils sont en mesure de le faire, l’éventuel lien de causalité entre une ou plusieurs constatation(s) médicale(s) objective(s) et les déclarations de l’intéressé ;

 

-        les constats de lésions traumatiques susceptibles d’avoir été causées par des mauvais traitements (même en l’absence de déclarations en ce sens) soient automatiquement transmis à l’organe indépendant habilité à mener des enquêtes, notamment pénales, en la matière ;

 

-        les médecins informent les détenus concernés que la rédaction d’un tel constat se situe dans le cadre d’un dispositif de prévention des mauvais traitements, que ce constat doit être transmis automatiquement à un organe d’enquête indépendant clairement identifié et qu’une telle transmission ne se substitue en aucun cas à un dépôt de plainte en bonne et due forme.

 

            Il serait également souhaitable de veiller à ce que les médecins pénitentiaires puissent recevoir, à intervalles réguliers, des informations en retour sur les mesures prises par les organes compétents à la suite de la transmission de leurs constats.

 

 
iv.        confidentialité médicale

 

 

69.       La délégation a constaté que les examens médicaux n’étaient pas toujours effectués en l’absence de membres du personnel de surveillance. Plus précisément, à la prison de Champ-Dollon en particulier, l’examen médical à l’admission des femmes était encore effectué de manière systématique en présence du personnel de surveillance. En outre, à la prison de Frauenfeld, lorsqu’un détenu était examiné par un médecin, la confidentialité de la consultation n’était pas garantie ; l’examen médical avait généralement lieu en présence d’agents de détention.

 

Le CPT recommande de prendre des mesures afin que les consultations infirmières des femmes lors de leur admission à la prison de Champ-Dollon et les examens médicaux effectués à la prison de Frauenfeld s’effectuent dans des locaux appropriées hors de l’écoute et – sauf dans les cas particuliers où le professionnel de santé en fait expressément la demande – hors de la vue de membres du personnel n’ayant pas de fonction médicale ou infirmière.

 

 

b.               prise en charge sanitaire en unité de soins sécurisée en milieu hospitalier ou en unité de psychiatrie en milieu pénitentiaire

 

 

i.          introduction

 

 

70.       L’unité cellulaire hospitalière (UCH) de l’hôpital cantonale de Genève et l’unité cellulaire psychiatrique (UCP) du site hospitalier de Belle-Idée, à côté de Genève, avaient le même nombre de lits que lors de la visite de 2007 (dix lits pour patients nécessitant des soins somatiques concernant la première et sept lits pour patients nécessitant des soins psychiatriques concernant la deuxième) et accueillaient respectivement un et sept patients (dont une femme) au moment de la visite de 2011. Les durées moyennes de séjour étaient de 12,5 jours à l’UCH et d’environ 10 jours à l’UCP. Toutefois, certains patients pouvaient séjourner dans ces unités de manière durable. A l’UCH, sept patients avaient séjourné entre quatre et huit semaines et six patients avaient été hospitalisés pendant plus de huit semaines entre juin 2010 et mai 2011. A l’UCP, trois des lits étaient occupés, de manière durable, par des patients lourdement perturbés ; par conséquent, dans les faits, seuls quatre lits étaient disponibles pour la prise en charge des patients en état de « décompensation » aiguë.

 

D’une capacité de 16 lits, l’unité cellulaire (Bewachungsstation) de l’hôpital de l’Ile à Berne, qui avait été brièvement visitée par le CPT en 1996, avait été installée dans de nouveaux locaux en 2004. Elle accueillait neuf patients (dont une femme) au moment de la visite. D’après le personnel hospitalier, 75% des admissions étaient effectuées pour des raisons d’ordre psychiatrique. Les pathologies étaient de gravité variable, allant des pathologies dépressives plus ou moins réactionnelles à des maladies plus préoccupantes telles que la schizophrénie. La durée moyenne de séjour était de 10,5 jours, mais certains patients y avaient séjourné pendant des périodes bien plus longues (jusqu’à 12 mois).

 

 

L’unité de psychiatrie en milieu pénitentiaire (UPMP) des établissements de la plaine de l’Orbe, située aux troisième et quatrième étages du pénitencier de Bochuz, a été conçue pour accueillir des patients détenus de sexe masculin exécutant une sanction pénale pour un placement en observation et un suivi thérapeutique ne nécessitant pas une prise en charge continue et permanente[54]. D’une capacité officielle de huit lits, l’UPMP hébergeait quatre patients au moment de la visite. Ses occupants étaient en majorité des patients en exécution de peine souffrant de troubles psychotiques (schizophrénie, troubles bipolaires) et pouvaient séjourner jusqu’à plusieurs mois dans l’unité.

 

 

71.       La délégation a été informée de l’avancée d’un certain nombre de projets visant notamment à optimiser la prise en charge des patients détenus souffrant de troubles psychiatriques, notamment en augmentant l’infrastructure existante en la matière. L’UCP devait intégrer le futur établissement « Curabilis » pour l’exécution des mesures et voir sa capacité augmentée de sept à 15 lits. A Berne, la construction d’une unité de psychiatrie légale (14 lits), à l’hôpital de Waldau-Areal, avait généré certaines attentes à l’unité cellulaire de l’hôpital de l’Ile, qui pourrait se voir déchargée de patients psychiatriques ne nécessitant pas une prise en charge hautement sécurisée. Il a également été fait état d’un projet de construction, à l’horizon 2016, d’un hôpital psychiatrique pénitentiaire de 45 lits aux établissements de la plaine de l’Orbe. Le CPT souhaite recevoir des informations à jour sur la réalisation de ces projets et leur calendrier.

 

 

72.       Il convient également de relever que, si l’unité cellulaire de l’hôpital de l’Ile à Berne et l’UCH de Genève étaient habilitées à accueillir des patients détenus mineurs, tel n’était pas le cas de l’UCP. La délégation a constaté que, en cas d’agitation aiguë, les adolescents du centre éducatif de détention et d’observation « La Clairière » pouvaient être transférés à l’unité d’hospitalisation « Le Salève », sur le site de Belle-Idée. Or, la prise en charge de ces mineurs requérait un dispositif de sécurité particulier et stigmatisant (surveillance policière continue au sein de l’unité). A défaut d’infrastructures sécurisées, certains mineurs nécessitant la poursuite de soins psychiatriques en milieu hospitalier pouvaient être renvoyés au centre « La Clairière ». Ainsi, certains adolescents effectuaient des allers-retours entre les deux institutions, comme pour éclairer l’absence d’une structure adaptée, « contenante », de type pédopsychiatrique, en milieu hospitalier. Le CPT invite les autorités compétentes à envisager la mise en place d’une structure sécurisée de soins psychiatriques spécialisée dans la prise en charge des personnes mineures faisant l’objet d’une incarcération ou d’un mandat d’observation.

 

 

ii.         conditions de séjour

 

 

73.       Les conditions de séjour dans les unités de soins visitées, qu’elles soient en milieu hospitalier ou pénitentiaire, étaient généralement satisfaisantes en termes de taille des cellules, de luminosité, d’aération, d’équipement, de propreté et d’état d’entretien. Cela étant, les cellules doubles pouvaient générer quelques complications à l’UCH de Genève ou à l’unité cellulaire de l’hôpital de l’Ile de Berne, tant pour les patients que le personnel (tensions entre patients, gestions des différentes catégories de patients, etc.). Dans le cadre d’aménagements ultérieurs de ces unités, il conviendrait d’envisager de réduire la proportion de cellules doubles.

 

Dans l’UPMP des établissements de la plaine de l’Orbe, les horaires de distribution des repas aux patients étaient calqués sur le rythme pénitentiaire, lequel était totalement inadapté aux besoins thérapeutiques des patients (déjeuner à 10h30 et dîner à 16h30, par exemple). Il convient de réadapter le programme de distribution des repas dans l’unité de psychiatrie des établissements de la plaine de l’Orbe, en tenant compte des besoins des patients.

 

 

iii.       soins proposés

 

 

74.       Pour ce qui est des traitements psychiatriques, les patients des unités visitées faisaient l’objet de soins psycho- et chimiothérapeutiques appropriés, selon des protocoles de soins individualisés. Ces soins étaient complétés par d’autres options thérapeutiques, telles que l’ergothérapie, afin de promouvoir une approche pluridisciplinaire. Le CPT encourage le développement des options thérapeutiques en soutien aux soins psycho- et chimiothérapeutiques dans les unités visitées.

 

 

75.       Cela étant, en ce qui concerne les traitements chimiothérapeutiques, il y a lieu de s’interroger sur le recours, qui pouvait paraître démesuré, à des traitements médicamenteux sédatifs par voie injectable à l’UCP (notamment pour les weekends), alors que des traitements par voie orale pourraient éventuellement suffire pour des périodes de simple observation. Le CPT souhaite recevoir les remarques des autorités genevoises sur ce point.

 

En outre, des soins pouvaient être administrés de manière contrainte (injections intramusculaires) aux patients de l’UCP, en fonction des troubles observés du comportement. Le CPT estime que la prise en charge psychiatrique, dans une unité de soins, d’une personne faisant l’objet d’une incarcération ne doit pas être systématiquement interprétée comme une autorisation d’administrer des traitements sans le consentement du patient. Il importe que tout patient capable de discernement, qu’il adhère ou non à la nécessité de son hospitalisation, ait la possibilité de refuser un traitement particulier ou toute autre intervention médicale. La médication d’un patient sans son consentement éclairé devrait être soumise à des critères précis et à une procédure qui l’autorise (et qui devrait permettre de demander un deuxième avis médical indépendant, en sus de celui du ou des médecins qui proposent l’application du traitement). Le CPT recommande de revoir la pratique en matière d’administration des traitements chimiothérapeutiques dans les unités de soins prenant en charge les patients détenus souffrant de troubles psychiatriques, à la lumière de ces considérations.

 

 

De plus, le Comité est préoccupé par le fait que, dans l’UPMP des établissements de la plaine de l’Orbe, la distribution des médicaments psychotropes (par voie orale), notamment hypnotiques, était assurée le soir en semaine, les weekends et les jours fériés, par des agents de détention et non par du personnel de santé. La mise en œuvre de la recommandation formulée au paragraphe 78 devrait permettre de garantir que la gestion des médicaments soit toujours effectuée par du personnel qualifié dans l’UPMP des établissements de la plaine de l’Orbe.

 

 

76.       Pour ce qui est de la psychothérapie, la délégation a constaté que les entretiens avec le ou la psychiatre de l’unité cellulaire de l’hôpital de l’Ile avaient quasi-systématiquement eu lieu dans les cellules individuelles ou doubles des patients, assez mal insonorisées. En outre, dans le cas de certains patients (deux au moment de la visite), les entretiens devaient avoir lieu en présence du personnel de surveillance. De tels dispositifs posent de sérieuses difficultés en matière de confidentialité médicale. Le Comité reconnaît la nécessité de prendre en compte les considérations de sécurité. Toutefois, le principe de confidentialité doit s’appliquer en unité de soins sécurisée et exige que les entretiens avec les psychiatres et tout autre membre du personnel chargé des soins soient pratiqués hors de l’écoute et – sauf demande contraire du personnel concerné dans un cas donné – hors de la vue du personnel de surveillance. Pour préserver la confidentialité de ces entretiens, il convient de s’assurer que les unités de soins disposent d’une pièce offrant des garanties de sécurité adéquates et que des dispositifs soient mis en place afin d’alerter rapidement le personnel de surveillance lorsqu’un patient deviendrait agité.

 

Le CPT recommande de revoir les dispositifs de sécurité visant les patients psychiatriques à risque, à la lumière des considérations qui précèdent, dans l’unité cellulaire de l’hôpital de l’Ile.

 

 

77.       Les patients de l’unité cellulaire de l’hôpital de l’Ile de Berne et de l’UPMP des établissements de la plaine de l’Orbe avaient accès à la promenade tous les jours, sauf contre-indication médicale. Toutefois, les aires de promenade de l’unité cellulaire de l’hôpital de l’Ile de Berne n’offraient aucune vue, mis à part le ciel.

 

La question de l’accès à la promenade quotidienne était problématique dans les autres unités visitées. A l’UCP, la délégation a constaté que la direction de la prison de Champ-Dollon imposait au corps médical de priver tout nouvel arrivant de promenade quotidienne pendant une période de sept jours pour des motifs purement sécuritaires (prévention des risques d’évasion), et ce y compris lorsqu’aucune difficulté n’avait émergé lors de précédentes hospitalisations. Le CPT admet qu’il peut être nécessaire, dans certains cas, de maintenir un patient sous observation dans l’unité pendant une courte période initiale (jusqu’à 24 heures, par exemple), sans qu’il ne bénéficie d’accès à la promenade. En revanche, refuser à un patient le droit de sortir à l’air frais pendant des jours durant, sauf dans les cas où l’exercice en plein air est médicalement contre-indiqué, n’est pas justifié. Le Comité recommande de mettre un terme à cette pratique. Toute décision de refuser à un patient de l’unité cellulaire psychiatrique de Belle-Idée le droit d’effectuer sa promenade au-delà de 24 heures doit être fondée sur des indications médicales.

 

            La situation des patients de l’UCH de Genève était encore plus préoccupante. En l’absence d’aire d’exercice, ils étaient privés de promenade pendant toute la durée de leur séjour (lequel pouvait, dans certains cas, s’étaler sur plus de huit semaines). Le CPT recommande de faire en sorte à l’avenir que tous les patients de l’unité cellulaire hospitalière, pour autant que leur état de santé le permette, bénéficie d’au moins une heure d’exercice en plein air par jour, dans un espace extérieur approprié.

 
iv.        personnels

 

 

78.       Les dotations en personnel de santé et de surveillance étaient généralement appropriées et analogues à celles prévalant au cours de la précédente visite en ce qui concerne l’UCH et l’UCP[55]. A l’unité cellulaire de l’hôpital de l’Ile, un médecin interniste (0,75 équivalent temps plein) était affecté en permanence à l’unité cellulaire de l’hôpital de l’Ile et bénéficiait du soutien de deux médecins assistants. La présence d’un psychiatre était organisée par rotation (un psychiatre effectuait des consultations régulières et un psychiatre assistant exercerait à 70% dans l’unité). L’équipe infirmière était composée de 6,5 équivalents temps plein. Le personnel hospitalier était présent en semaine de 8 heures à 18 heures et assurait une présence soignante la nuit, les weekends et les jours fériés. L’équipe de surveillance était composée de 24 personnes et assuraient une présence d’au moins trois surveillants en permanence. De l’avis du CPT, étant donné la proportion importante de patients souffrant de troubles psychiatriques, il conviendrait d’affecter un psychiatre en permanence à l’unité cellulaire de l’hôpital de l’Ile afin d’y optimiser les soins psychiatriques.

 

Le temps de présence du personnel chargé des soins à l’UPMP des établissements de la plaine de l’Orbe, à laquelle étaient rattachés les psychiatres et infirmiers mentionnés plus haut[56], se répartissait entre 7 et 17h en semaine et de 7 à 12h le samedi[57], tandis que deux agents de détention assuraient la surveillance permanente des lieux. Il ressort clairement des constatations de la délégation qu’un tel dispositif ne permettait pas d’assurer une prise en charge psychiatrique adaptée des patients de l’unité. Le CPT recommande de renforcer le personnel médical et infirmier et de revoir l’organisation des soins afin d’assurer une présence infirmière permanente, y compris les weekends et les jours fériés, dans l’unité de psychiatrie en milieu pénitentiaire des établissements de la plaine de l’Orbe.

 

 

79.       La nature de l’interaction entre l’équipe de soins, l’équipe de surveillance et, le cas échéant, les forces de police variait d’une unité visitée à l’autre. A l’UCP par exemple, les zones de soins étaient en principe réservées au personnel hospitalier et aux patients. Les agents de détention contrôlaient les zones de soins par le biais de la surveillance vidéo. A l’unité cellulaire de l’hôpital de l’Ile en revanche, le personnel de surveillance était présent en permanence dans la zone de soins.

 

En cas de comportement dangereux d’un patient pour lui-même ou pour autrui en raison de troubles psychiatriques, le personnel de surveillance pouvait prendre l’initiative d’intervenir et/ou de recourir aux forces de police sans solliciter l’avis du personnel de santé. En cas d’intervention policière à l’UCP, la police cantonale décidait le plus souvent de faire appel au Groupe d’intervention de la gendarmerie qui, de manière générale, ne se concertait guère avec le personnel de santé avant d’entrer en action (voir également le paragraphe 17 en ce qui concerne la possibilité d’utiliser des armes à impulsion électrique dans cette unité). Dans l’unité cellulaire de l’hôpital de l’Ile, l’intervention des agents de détention était encore davantage intrusive dans la prise en charge sanitaire des patients : ils pouvaient intervenir de leur propre chef face à un patient psychiatrique en état d’agitation aiguë, sans nécessairement avoir été sollicités par le personnel de santé, et pouvaient recourir aux forces de police avec lesquelles ils allaient définir les modalités d’intervention en écartant totalement le personnel hospitalier.

 

De l’avis du CPT, l’équipe de soins doit toujours rester maître de la prise en charge afin d’assurer la continuité des soins dans le cas de patients souffrant de troubles psychiatriques. Le CPT recommande de veiller à ce que la prise en charge des patients psychiatriques relève toujours de la compétence des équipes de santé dans les espaces d’hébergement et de soins de l’unité cellulaire psychiatrique de Belle-Idée, de l’unité cellulaire de l’hôpital de l’Ile et de l’unité de psychiatrie en milieu pénitentiaire des établissements de la plaine de l’Orbe. Chaque fois que l’intervention du personnel pénitentiaire/des forces de police est requise dans ces espaces, cette intervention doit se dérouler à la demande de l’équipe de santé, conformément à ses consignes et sous son étroite surveillance.

 

 

v.         mise en cellule d’isolement et mise sous contention

 

 

80.       La délégation a relevé que, vu l’emplacement de la cellule d’isolement de l’UCP, au contact des autres cellules, les nuisances sonores à l’occasion d’états d’agitation avant sédation d’un patient pouvaient entraîner une certaine anxiété chez les occupants des cellules voisines. Il arrivait également que les cellules ordinaires soient rapidement transformées en cellules d’isolement pour pouvoir prévenir les conduites auto- et/ou hétéroagressives.

 

La délégation a également constaté que le placement d’un patient détenu souffrant de troubles psychiatriques en « cellule de sécurité » à l’unité cellulaire de l’hôpital de l’Ile ou en cellule « médicale » à l’UPMP des établissements de la plaine de l’Orbe ne relevait pas nécessairement du corps médical, mais pouvait être effectué à l’initiative du personnel de surveillance. A l’UPMP, cette situation pouvait avoir lieu la nuit, les weekends et les jours fériés, en l’absence du personnel médical et infirmier de l’unité. Avant de prendre une telle mesure, le personnel de surveillance pouvait obtenir l’autorisation du personnel de santé de piquet ou placer le patient en cellule « médicale » en attendant l’arrivée du personnel soignant. Par ailleurs, dans le cas de l’administration d’un traitement injectable contre le gré du patient par le personnel de santé (« contention chimique »), les patients ne pouvaient pas toujours faire l’objet d’une surveillance soignante adéquate par la suite (voir, à cet égard, les recommandations formulées au paragraphe 65).

 

A l’unité cellulaire de l’hôpital de l’Ile, la situation était davantage préoccupante ; les agents de détention pouvaient décider de placer un patient psychiatrique en cellule de « sécurité » pour des motifs purement disciplinaire et/ou pouvaient maintenir cette mesure contre l’avis du personnel hospitalier. La nature de la cellule de « sécurité » à Berne et de la cellule « médicale » à l’UPMP pouvait par ailleurs être à l’origine de certaines tensions entre les équipes de soins et les équipes de surveillance.

 

 

81.       La mise sous contention mécanique d’un patient psychiatrique ayant une conduite auto- et/ou hétéroagressive étaient généralement décidée par un psychiatre ou, en cas d’urgence, par du personnel infirmier qui en référait sans tarder à un médecin. A Berne, par exemple, les modalités de mise sous contention faisaient l’objet de discussions régulières entre le personnel hospitalier et les équipes de surveillance, afin d’agir au mieux en situation de crise. Il est apparu que les patients sous contention faisait l’objet d’un protocole de soins précis, de réexamens réguliers, avec une surveillance des paramètres vitaux, et étaient alimentés et soignés correctement. Cela étant, les patients concernés pouvaient être maintenus sous contention pendant des jours durant (des périodes allant jusqu’à cinq jours ont été relevées dans un cas récent) et n’étaient pas sous le contrôle visuel direct et permanent du personnel infirmier. En outre, lors d’un entretien avec un patient qui avait été mis sous contention, il est apparu que la mesure avait été perçue comme une « punition », bien que légitime dans son principe.

 

 

82.       En matière de traçabilité, la délégation a constaté que les mesures de mise en cellule d’isolement et de mise sous contention, ainsi que les traitements administrés sous contrainte pour contrôler les conduites auto- et hétéroagressives, étaient généralement consignés avec précision dans les dossiers médicaux. Toutefois, mis à part les dossiers médicaux, aucun registre n’avait été spécialement établi en vue notamment de recenser la fréquence de ces incidents. Cette absence de registre privait le personnel d’éléments de réflexion sur les pratiques en matière de mise en cellule d’isolement et de mise sous contention, et rendait aléatoire tout contrôle interne et externe dans ce domaine.

 

 

83.       De l’avis du CPT, tout placement en cellule d’isolement et/ou mise sous contention doit être effectué par du personnel qualifié et formé, faire l’objet d’une prescription médicale ou, en cas d’urgence, porté à l’attention du personnel médical sans tarder afin d’obtenir son approbation. La mise en cellule d’isolement et la contention mécanique ne doivent pas non plus être maintenues plus que nécessaire. Le Comité estime à cet égard que le recours à la contention mécanique devrait généralement se compter en minutes plutôt qu’en heures ; la mise sous contention mécanique pendant des jours durant ne saurait avoir de justification et s’apparente à un mauvais traitement. En aucun cas, la mise en cellule d’isolement et/ou la mise sous contention ne doivent être appliqués, ni leur application être prolongée, à titre de sanction.

 

Le CPT estime que, en cas de mise sous contention, un membre du personnel de santé devrait être présent en permanence pour maintenir un lien thérapeutique avec le patient et l’assister (accès aux toilettes et salle d’eau, hydratation, alimentation, etc.). La vidéosurveillance ne saurait remplacer une telle présence continue du personnel. Dans le cas d’une mise en cellule d’isolement (ou mesure analogue) sans recours à la contention, le membre du personnel peut se trouver hors de la cellule, à condition que le patient puisse bien voir le membre du personnel et que ce dernier puisse continuellement observer le patient et l’entendre. Il est également essentiel d’effectuer un entretien de fin de mise en isolement/sous contention avec le patient concerné. Il en va de même en cas d’administration d’un traitement médicamenteux sous contrainte destiné à contrôler la conduite auto- ou hétéroagressive du patient.

 

Chaque fois que l’intervention du personnel pénitentiaire et/ou des forces de l’ordre est requise, cette intervention doit se dérouler conformément aux consignes du personnel de santé et sous son étroite surveillance afin que celui-ci assure la continuité des soins.

 

 

Tout recours à l’isolement (allant au-delà de quelques minutes) et toute mise sous contention doivent être consignés dans un registre spécifiquement établi à cet effet dans chaque unité de soins sécurisée en milieu hospitalier habilitée à prendre en charge des patients psychiatriques et dans chaque unité de psychiatrie en milieu pénitentiaire (outre les dossiers des patients). Les éléments à consigner dans ce registre doivent comprendre l’heure de début et de fin de la ou des mesures, les circonstances d’espèce, le recours au personnel pénitentiaire et/ou aux forces de l’ordre, les raisons ayant motivé le recours à la ou les mesures, le nom du médecin qui l’a ordonnée ou approuvée et, le cas échéant, un compte rendu des blessures subies par des patients ou des membres du personnel. Ce registre doit être accessible aux organismes de contrôle en visite dans les unités de soins. Lorsque des traitements médicamenteux sont administrés contre le gré du patient, ils doivent être assortis des mêmes exigences de traçabilité.

 

Le Comité recommande de revoir les protocoles de mise en cellule d’isolement/sous contention dans les unités de soins/de psychiatrie visitées, ainsi que dans toute unité de ce type dans le reste de la Confédération, à la lumière de ces remarques.

 

            En outre, à l’unité cellulaire psychiatrique du site hospitalier de Belle-Idée, il faudrait faire en sorte à l’avenir que toute cellule d’isolement soit à l’écart des cellules ordinaires des patients.

 

 

c.                extractions médicales

 

 

84.       Le CPT est préoccupée par les dispositifs de sécurité mis en place dans le cadre des extractions médicales. Les patients détenus étaient systématiquement entravés (aux pieds et/ou aux mains) lors de leur transfert en milieu hospitalier.

 

Il en allait de même des patients détenus de l’unité cellulaire de l’hôpital de l’Ile à Berne lorsqu’ils étaient transférés vers d’autres unités de soins au sein de l’hôpital ; en outre, les patients étaient maintenus menottés aux pieds pendant les soins et examens effectués dans ces unités tout en demeurant sous la surveillance directe et continue du personnel de surveillance (excepté en bloc opératoire).

 

 

85.       Le Comité comprend qu’il peut parfois être nécessaire de prendre des dispositions particulières en matière de sécurité dans le cadre d’extractions médicales. Toutefois, entraver de manière systématique les patients détenus lors de leur transfert en milieu hospitalier de proximité n’est pas acceptable ; une telle mesure, ainsi que ses modalités de mise en œuvre dans les cas d’espèce, doit être envisagée sur la base d’une évaluation individuelle des risques. En outre, le CPT tient à souligner qu’examiner ou soigner des patients détenus soumis à des moyens de contrainte est une pratique hautement contestable tant du point de vue de la déontologie que du point de vue clinique ; en dernier ressort, la décision sur ce point doit appartenir au personnel de santé.

 

En ce qui concerne la surveillance, il convient de rappeler que le principe de confidentialité médicale doit également s’appliquer en milieu hospitalier de proximité et exige que les examens et les soins médicaux soient pratiqués hors de l’écoute et – sauf demande contraire du médecin dans un cas donné – hors de la vue du personnel pénitentiaire, de sécurité ou de police.

 

 

Le CPT recommande aux autorités compétentes de revoir, dans les cantons visités, les normes régissant les extractions médicales (surveillance et escorte) des patients détenus, à la lumière des considérations qui précèdent.

 

Afin de réduire au minimum les cas d’utilisation d’entraves au sein des structures de soins susceptibles d’accueillir des détenus et de préserver la confidentialité des examens et des soins médicaux, il convient de s’assurer que ces structures disposent d’une pièce offrant des garanties de sécurité adéquates.

 

 

7.         Autres questions

 

 

a.         personnel

 

 

86.       Le centre éducatif de détention et d’observation « La Clairière » comptait au moment de la visite un total de 18 éducateurs en secteur « préventive » (pour 11 jeunes au moment de la visite) et 16 en secteur « observation » (pour 10 jeunes au moment de la visite)[58]. L’équipe de maîtres socioprofessionnels étaient composée de cinq personnes. Le centre comptait également deux enseignants du Département de l’instruction publique, de la culture et du sport. Le personnel pénitentiaire de la prison de Champ-Dollon affecté au centre, composé de huit agents, assurait une surveillance de 7 à 22h tous les jours (les effectifs moyens journaliers étaient de quatre personnes). La nuit, la surveillance était assurée par des agents d’une société privée de sécurité.

 

            Le centre avait dû faire face à de sérieuses difficultés entre la direction et les différentes catégories professionnelles, ce qui avait en partie affecté la prise en charge éducative des mineurs. Suite à l’intervention de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil genevois et après avis d’une équipe d’experts, des mesures avaient été prises en vue de résoudre les problèmes d’encadrement. La nouvelle direction avait pris des mesures en vue de redynamiser et décloisonner les différentes équipes. Le CPT encourage les autorités genevoises à soutenir les efforts de la nouvelle direction visant à améliorer les conditions de travail des équipes du centre dans l’optique de fournir un niveau de prise en charge éducative approprié, répondant aux besoins spécifiques des jeunes.

 

 

87.       Pour ce qui est de la prison de Champ-Dollon, les effectifs moyens journaliers du personnel de surveillance était en journée de 97 agents tous secteurs confondus et ceux de la brigade de nuit de 11 agents. A titre d’illustration, il y avait 16 agents quasiment en permanence en journée dans les ailes « nord » et « sud » (comptant un maximum de 378 détenus au moment de la visite) et 8 agents dans l’aile « est » (comptant un maximum de 100 détenus). Il convient de relever qu’un tiers des effectifs des gardiens et surveillantes était en formation, réparti dans les différentes équipes de surveillance. Cette situation exigeait un engagement plus grand du personnel d’encadrement et expérimenté. De tels effectifs, combinés à l’important effort de formation d’un grand nombre d’agents stagiaires, peuvent devenir sources de difficultés en cas de nouveaux pics de surpopulation.

 

 

Pour ce qui est des effectifs du service socio-éducatif, ils n’avaient guère évolué depuis 2007. A titre d’illustration, l’équipe d’enseignants du service de probation et insertion (1,2 équivalents temps plein) n’avait été renforcée que par le milieu associatif, avec un enseignant bénévole supplémentaire (venant une matinée par semaine). Le CPT réitère sa recommandation formulée dans son rapport sur la visite de 2007 selon laquelle le service socio-éducatif de la prison de Champ-Dollon devrait être renforcé, de manière à ce qu’il puisse accomplir pleinement les missions qui lui sont imparties.

 

 

b.         contacts avec le monde extérieur

 

 

88.       Les droits de visite, d’une durée minimum d’une heure hebdomadaire, étaient satisfaisants dans tous les établissements pénitentiaires visités, tant pour les personnes détenues avant jugement  que pour les détenus exécutant des peines privatives de liberté.

 

            Toutefois, à la prison de Frauenfeld, les visites (dans le cadre de la détention avant jugement ou de l’exécution de peine) se déroulaient souvent à travers un dispositif de séparation. Deux mois après le début de leur détention, les personnes en détention avant jugement non soumises à des restrictions ordonnées par un tribunal et les détenus en exécution de peine pouvaient demander à bénéficier de visites ouvertes. Cependant, les détenus n’avaient droit à des visites ouvertes qu’une fois sur deux. Or, cela n’est pas conforme au règlement intérieur de l’établissement, qui permet aux détenus en exécution de peine de bénéficier de visites non surveillées et prévoit que les visites avec dispositif de séparation ne s’imposent que pour des raisons exceptionnelles de sécurité[59].

 

            Le CPT est d’avis que les visites avec dispositif de séparation ne devraient être ordonnées que pour des raisons de sécurité et reposer sur une évaluation individuelle des risques. Le Comité recommande que l’exercice des droits de visite soit modifié en conséquence à la prison de Frauenfeld.

 

 

89.       L’accès au téléphone était généralement satisfaisant dans tous les établissements visités pour les personnes en détention avant jugement non soumises à des restrictions ordonnées par un tribunal et les détenus en exécution de peine. Cet accès variait de 15 minutes hebdomadaires (à Frauenfeld) à une durée illimitée pendant le temps passé hors cellule (à Bostadel).

 

            Dans l’aile « est » de la prison de Champ-Dollon, chaque étage était équipé d’un téléphone auquel les détenus avaient accès pendant leur temps hors cellule. Cependant, la délégation a recueilli un certain nombre de plaintes quant aux difficultés d’accès au téléphone dans les ailes « nord » et « sud » de l’établissement, lesquelles n’étaient équipées que d’un téléphone. En conséquence, les détenus n’avaient accès au téléphone que 15 minutes une semaine sur deux. La direction de la prison a informé la délégation que des mesures étaient actuellement envisagées pour installer des téléphones supplémentaires dans ces deux ailes. Le CPT souhaite recevoir des informations actualisées à cet égard.

 

 

c.         discipline

 

 

90.       La durée maximale de séjour à l’isolement en cellule disciplinaire variait en fonction de la législation cantonale pertinente. Cette durée était de 30 jours au pénitencier de Bochuz (canton de Vaud), de 20 jours à la prison de Frauenfeld (canton de Thurgau) et de 10 jours à la prison de Champ-Dollon (canton de Genève), ainsi que dans le pénitencier de Bostadel (cantons de Bâle-Ville et Zoug). Le CPT relève qu’en pratique, dans tous les établissements visités, le séjour en cellule disciplinaire ne durait généralement que pour des périodes allant de deux jours à deux semaines.

 

Etant donné les effets potentiellement néfastes de l’isolement, le CPT estime que la mise à l’isolement ne devrait pas être imposée à titre de sanction pour des périodes supérieures à 14 jours pour une infraction donnée, et de préférence inférieure[60]. De plus, il devrait être interdit d’imposer plusieurs sanctions disciplinaires à la suite si cela signifie un séjour à l’isolement d’une durée ininterrompue et supérieure au maximum. Toute infraction commise par un détenu pouvant justifier l’imposition de sanctions plus sévères devrait relever du système de justice pénale. Le CPT recommande que les dispositions en matière disciplinaire soient réexaminées, à la lumière des remarques ci-dessus, et révisées en conséquence lorsque cela s’avère nécessaire.

 

 

91.       En ce qui concerne les sanctions disciplinaires des mineurs, le CPT a relevé que les mineurs détenus au centre éducatif de détention et d’observation « La Clairière » pouvaient être placés à l’isolement en cellule disciplinaire pendant des périodes allant jusqu’à cinq jours. Ces sanctions pouvaient être associées à des mesures d’isolement de cinq jours supplémentaires au maximum dans leurs propres cellules[61]. A Frauenfeld, il arrivait que des mineurs de 17 ans du centre éducatif d’exécution des mesures « Kalchrain » situé à proximité, soient envoyés dans l’établissement pour y être placés en cellule disciplinaire pour des périodes allant jusqu’à 10 jours.

 

Le CPT rappelle que toute forme d’isolement des mineurs peut compromettre leur santé physique ou mentale. En conséquence, une telle mesure doit être considérée comme absolument exceptionnelle et ne pas durer plus longtemps que ce qui est strictement nécessaire. Il est évident qu’aucun mineur ne devrait être placé, de manière continue, en isolement à titre de sanction disciplinaire pour une période de 10 jours ; le Comité a déjà fait part de sa préférence pour une durée maximale d’isolement de trois jours[62]. Le CPT recommande que des mesures soient prises, dans l’ensemble des cantons, en vue de réduire la durée maximale d’isolement disciplinaire pour les mineurs, à la lumière des remarques qui précèdent.

 

 

92.       De manière générale, les conditions matérielles dans les cellules disciplinaires des établissements visités étaient adéquates. Ces cellules, d’une superficie de 6 à 12 m² (toilettes incluses), étaient correctement éclairées, aérées et équipées. Cependant, à Frauenfeld, les cellules étaient mal aérées. En outre, dans l’aile « est » de la prison de Champ-Dollon, les cellules disciplinaires comportaient des fenêtres de verre dépoli qui empêchaient les détenus de voir à l’extérieur et tendaient à rendre l’atmosphère oppressante. Le CPT recommande de remédier aux lacunes constatées dans les cellules disciplinaires des prisons de Champ-Dollon et de Frauenfeld.

 

93.       Au Centre éducatif de détention et d’observation « La Clairière » pour mineurs, l’état d’entretien et de propreté de la cellule n° 17, servant de cellule disciplinaire et située hors des secteurs d’hébergement, laissait fortement à désirer, contrairement à ce qui a été observé dans les autres cellulaires disciplinaires. De plus, la délégation a recueilli des plaintes relatives au fait qu’il y faisait froid en période hivernale. La direction de l’établissement a indiqué qu’elle souhaitait la mettre hors service. Le Comité souhaite recevoir des informations actualisées sur ce point.

 

 

94.       Sur un registre plus positif, le CPT a constaté que, dans les établissements visités, suite à une recommandation qu’il avait formulée dans son rapport relatif à la visite de 2007, la lecture autorisée dans les cellules disciplinaires ne se limitait plus aux ouvrages religieux. Cependant, il relève avec préoccupation que, dans les établissements pénitentiaires de Bochuz, de Bostadel et de Frauenfeld, aucun contact avec la famille des détenus mis à l’isolement disciplinaire n’était autorisé. Le Comité doit souligner que la sanction disciplinaire ne devrait pas inclure une interdiction totale de contacts familiaux et que toute restriction visant ces contacts, à titre de sanction disciplinaire, ne devrait résulter que d’une infraction liée à ces visites[63]. Le CPT recommande que des mesures soient prises, dans l’ensemble des cantons, afin que les détenus placés à l’isolement ne soient pas automatiquement privés de contacts avec leur famille.

 

 

95.       Il est apparu, après consultation des registres et dossiers disciplinaires, ainsi que dans le cadre des entretiens avec des détenus et des membres du personnel, que les procédures disciplinaires étaient en général appliquées de manière satisfaisante dans tous les établissements visités. Les détenus étaient notamment entendus en personne par la direction, autorisés à demander la comparution de témoins, recevaient une copie de la décision et disposaient d’un délai raisonnable pour contester celle-ci devant les tribunaux.

 

96.       Le CPT a constaté avec satisfaction que, conformément au règlement disciplinaire du canton de Vaud[64], les détenus placés en cellules disciplinaires dans le pénitencier de Bochuz bénéficiaient de la visite quotidienne d’un médecin ou d’un infirmier. Malheureusement, tel n’était pas le cas dans tous les établissements visités, à Bostadel et à Frauenfeld notamment.

 

Le Comité souhaite insister sur le fait que les professionnels de santé intervenant en milieu pénitentiaire doivent être particulièrement vigilants concernant la situation des détenus placés dans des conditions d’isolement, quelle qu’en soit la forme. A cet égard, tous les cas d’isolement disciplinaire devraient immédiatement être portés à l’attention des professionnels de santé concernés, et les détenus en question devraient recevoir la visite quotidienne d’un médecin ou d’un infirmier qualifié faisant rapport à un médecin. Le CPT recommande de prendre les mesures qui s’imposent afin que ces exigences soient dûment respectées dans l’ensemble des établissements de détention avant jugement et d’exécution des peines de la Confédération.

 

 

C.        Personnes à l’encontre desquelles un traitement institutionnel ou l’internement a été ordonné

 

 

1.         Remarques préliminaires

 

 

97.       La délégation du CPT a accordé une attention particulière à la situation des personnes à l’encontre desquelles un traitement institutionnel ou l’internement a été ordonné. Elle s’est rendue à la clinique de psychiatrie légale de Rheinau, ainsi qu’à l’unité de psychiatrie légale du pénitencier de Pöschwies. En outre, la situation de ces catégories de personnes a également été examinée en milieu carcéral non spécialisé (dans le cadre d’un régime de détention ordinaire ou de « haute sécurité ») à Bochuz, Bostadel, Champ-Dollon et Pöschwies.

 

 

98.       Le cadre juridique de ces mesures, le traitement institutionnel et l’internement, a été considérablement modifié à la suite de la révision du code pénal il y a cinq ans ; il est résumé dans le rapport du CPT relatif à la visite de 2007 en Suisse[65]. Il doit être rappelé que ces mesures – lesquelles peuvent être imposées tant aux auteurs d’infractions reconnus comme étant pénalement irresponsables[66] qu’à ceux reconnus comme étant pleinement responsables – sont différentes des peines privatives de liberté et visent à protéger le grand public des délinquants considérés comme dangereux en raison du risque de récidive.

 

 

99.       La nouvelle disposition introduite dans la Constitution fédérale à la suite d’une votation populaire en 2004 sur l’introduction d’une nouvelle forme d’internement, à savoir l’internement à vie, a déjà été décrite dans le rapport relatif à la visite de 2007. Il est rappelé qu’elle prévoit que les délinquants condamnés pour des crimes sexuels ou violents qui sont qualifiés par le tribunal d’extrêmement dangereux et non amendables ne devraient en principe jamais être libérés[67].  A la suite de cet amendement constitutionnel, de nouvelles dispositions du code pénal sont entrées en vigueur en 2008[68]. Elles prévoient une possibilité très limitée de réexaminer la situation des personnes concernées afin de déterminer si de nouvelles connaissances scientifiques pourraient permettre de les traiter de manière qu’elles ne représentent plus de danger pour la collectivité[69].

 

 

100.     A la suite de la refonte du code pénal mentionnée plus haut, les autorités suisses ont été confrontées à une forte hausse des ordonnances de traitements institutionnels (article 59 du code pénal). Selon les informations recueillies pendant la visite, 160 personnes faisaient l’objet d’un internement en 2011 et il y avait environ 500 personnes à l’encontre desquelles un traitement institutionnel a été ordonné, dont 140 en établissement pénitentiaire, tandis que les autres étaient accueillies en établissement spécialisé dans l’exécution des mesures ou dans une structure psychiatrique. D’après les interlocuteurs officiels de la délégation, cette évolution doit être attribuée à plusieurs facteurs : tout d’abord, un nombre significatif d’ordonnances d’internement émises en vertu de l’ancienne législation[70] avaient été remplacées par des ordonnances de traitement institutionnel en vertu des nouvelles dispositions en la matière (article 59 du code pénal). Dans le même temps, les juges ont eu tendance, après la révision du code pénal, à ordonner des traitements institutionnels plutôt que des internements.

 

            Afin de faire face au flux de personnes à l’encontre desquelles un traitement institutionnel a été ordonné, le nombre de places réservées au traitement institutionnel a été accru depuis la visite du CPT de 2007, à la clinique de  psychiatrie légale de Rheinau et au centre universitaire psychiatrique de Bâle. De nouvelles unités de psychiatrie légale ont également ouvert dans les établissements pénitentiaires de  Pöschwies (2009) et de Thorberg (2011) et une autre devrait ouvrir à Lenzburg d’ici à 2015. En outre, ont été élaborés des projets de création de places supplémentaires pour personnes à l’encontre desquelles un traitement institutionnel a été ordonné à la clinique de Rheinau et dans l’unité de psychiatrie légale de Pöschwies ; il est prévu que ces projets soient réalisés à l’horizon 2017-2018. Il est également prévu d’accroître les capacités officielles des établissements spécifiques pour l’exécution de mesures (« Bitzi » et « Im Schachen », en particulier).

 

 

           

 

Cependant, pour ce qui est des cantons latins, la construction de l’établissement fermé pour l’exécution des mesures « Curabilis », laquelle avait été annoncée à la suite de la visite de 2007 du CPT a pris beaucoup de retard (cet établissement devait être en service en 2010) ; il y a toujours un manque de places destinées aux personnes à l’encontre desquelles un traitement institutionnel a été ordonné dans cette partie de la Suisse (voir plus haut). En ce qui concerne les cantons suisses germanophones, la délégation a également rencontré un nombre important de personnes, en milieu carcéral non spécialisé et avec des possibilités thérapeutiques limitées, à l’encontre desquels un tel traitement avait été ordonné.

 

 

101.     La clinique de Rheinau a fait l’objet d’une visite du CPT en 1991[71]. Depuis cette date, sa capacité a été étendue et sa structure et ses missions ont fondamentalement changé[72]. Au moment de la visite de 2011, la clinique avait une capacité de 79 lits (ainsi que trois lits d’urgence) dans deux pavillons différents. Le pavillon réservé au traitement institutionnel comportait une unité ouverte et trois unités fermées (de 12 à 14 lits chacune), avec une capacité totale de 52 lits. Le pavillon de sécurité, ouvert en 2007, comprenait 27 lits, et avait trois unités de neuf lits (ainsi qu’un lit d’urgence chacune) ; il hébergeait non seulement des patients soumis à un traitement institutionnel, mais également des patients ayant développé des problèmes de santé mentale en prison. Au moment de la visite, il y avait 74 patients (hommes et femmes), presque tous sous traitement institutionnel[73].

 

 

102.     Au pénitencier de Pöschwies (d’une capacité totale de 430 places), une nouvelle unité de psychiatrie légale d’une capacité de 24 places avait ouvert en 2009. Au moment de la visite, un traitement institutionnel avait été ordonné à l’encontre de 43 personnes (22 dans l’unité de psychiatrie légale ; 21 dans d’autres unités de l’établissement[74]). En outre, le pénitencier hébergeait 35 personnes soumises à une mesure d’internement (quatre d’entre eux avaient été placés en unité de haute sécurité)[75].

 

Le pénitencier de Bostadel hébergeait, au moment de la visite, six personnes à l’encontre desquelles un traitement institutionnel a été ordonné (dont quatre en unité de haute sécurité). 12 personnes faisaient l’objet d’une mesure d’internement (dont une en unité de haute sécurité).

 

Au pénitencier de Bochuz (établissements de la plaine de l’Orbe), 50 personnes faisaient l’objet d’une ordonnance de traitement institutionnel et l’internement avait été ordonné à l’encontre de 26 autres.

 

A Champ-Dollon, la délégation a examiné la situation de plusieurs personnes pour lesquelles un traitement institutionnel avait été ordonné.

 

A Frauenfeld, la délégation a également examiné le dossier d’une personne pour laquelle a été ordonné l’internement « à vie »[76].

 

2.         Mauvais traitements

 

 

103.     La délégation n’a pas recueilli d’allégation de mauvais traitements délibérés de personnes à l’encontre desquelles un traitement institutionnel ou l’internement a été ordonné dans les lieux visités. Au contraire, la grande majorité des patients/détenus rencontrés ont parlé de manière favorable du personnel, et la délégation a constaté, en particulier à la clinique de Rheinau et à l’unité de psychiatrie légale du pénitencier de Pöschwies, que le personnel avait une attitude professionnelle et attentionnée à leur égard.

 

 

3.         Conditions de séjour

 

 

104.     S’agissant des personnes faisant l’objet d’un traitement institutionnel ou d’un internement et soumis à un régime de détention ordinaire, les conditions étaient très bonnes à Pöschwies, comme cela a déjà été décrit dans le rapport sur la visite de 2007 du CPT[77].  En ce qui concerne les conditions dans les unités de haute sécurité et les secteurs de détention ordinaire des établissements de Bochuz, Bostadel et Champ-Dollon, il est renvoyé aux paragraphes 46-50 et 54-59.

 

 

105.     Les conditions de séjour des patients étaient de bonne qualité à la clinique de Rheinau et à l’unité de psychiatrie légale de Pöschwies. A l’exception du pavillon réservé au traitement institutionnel de la clinique de Rheinau, où les patients partageaient des chambres doubles d’environ 15 m², les patients étaient hébergés dans des chambres individuelles de taille adéquate, mesurant au moins 9 m². Toutes les chambres avaient un bon accès à la lumière naturelle, un éclairage artificiel suffisant et une bonne aération. Elles étaient bien équipées et meublées, avec des installations sanitaires (lavabo, toilettes) et un système d’appel.

 

Les salles communes, les cuisines et autres installations communes étaient également spacieuses, lumineuses, bien aérées, bien équipées et d’une grande propreté. Des efforts avaient été déployés à l’unité de psychiatrie légale et dans l’unité pour détenus âgés de Pöschwies pour créer un environnement hospitalier plutôt que carcéral, en décorant les salles communes avec des tableaux, plantes, etc. ; par ailleurs, les intéressés étaient autorisés à personnaliser leur chambre avec des effets personnels.

 

            Cependant, au pavillon de sécurité de Rheinau, la délégation a constaté que les dispositifs de sécurité avaient un effet négatif sur les conditions de séjour des patients. Le bâtiment âgé de quatre ans avait été planifié minutieusement et la sécurité du bâtiment (bauliche Sicherheit) était de haut niveau ; en outre, la « sécurité dynamique » et la sécurité organisationnelle (organisatorische Sicherheit) étaient garanties. Il y avait une définition claire des tâches et une coopération des membres de l’équipe interdisciplinaire, comme décrit dans le manuel de sécurité. Cela étant, l’interdiction totale d’effets personnels et la présence de vidéosurveillance dans les salles communes et dans la majorité des chambres créaient un environnement austère et impersonnel. De l’avis du CPT, afin de préserver un minimum d’intimité, il convient de ne pas autoriser l’utilisation de la vidéosurveillance dans les chambres utilisées à des fins d’hébergement ordinaire. En outre, les patients devraient être autorisés à personnaliser leur environnement.

 

106.     L’approche sécuritaire prévalant dans le pavillon de sécurité trouvait également une illustration dans la procédure d’admission stricte appliquée à tous les patients sans exception : ils devaient se déshabiller entièrement et prendre un bain en présence de plusieurs membres du personnel, puis subissaient un examen des orifices corporels effectué par un médecin. La privation totale de tous les vêtements et effets personnels à l’arrivée et le placement systématique des patients pendant plusieurs semaines dans des chambres sous vidéosurveillance comportant un lit déjà préparé avec des sangles destinées à la mise sous contention étaient décrits par les patients comme une expérience choquante. La délégation a été informée qu’aucun objet interdit n’avait jamais été trouvé lors des fouilles au moment de l’admission. L’absence de souplesse dans l’approche sécuritaire était aussi illustrée par le fait que tous les patients médicolégaux admis à Rheinau, sans aucune évaluation individuelle des risques, devaient se soumettre à cette procédure d’admission dans le pavillon de sécurité ; ils restaient souvent dans ce pavillon soumis aux conditions de sécurité susmentionnées pendant des mois, voire plus d’un an, avant de pouvoir bénéficier d’une place dans le pavillon réservé au traitement institutionnel (dans laquelle le régime était plus détendu). Le CPT tient à souligner que de telles mesures systématiques, non fondées sur une évaluation individualisée des risques, sont disproportionnées et potentiellement dégradantes.

 

            Le CPT recommande que la procédure d’admission et les dispositions en matière de sécurité soient revues au pavillon de sécurité de la clinique de psychiatrie légale de Rheinau et que les patients bénéficient d’un environnement plus agréable et personnalisé. Par ailleurs, les fouilles intimes ne doivent être effectuées que s’il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu’une personne a pu cacher sur elle des objets susceptibles de faire du mal à autrui ou à elle-même ou dans les cas où ces objets pourraient servir de pièces à conviction et lorsque ce type de fouille est nécessaire pour les détecter, une fouille ordinaire ne permettant pas de les découvrir. Si une investigation corporelle interne est indispensable, elle ne devrait jamais être effectuée par le médecin appelé à jouer le rôle de médecin traitant du patient, afin de préserver la relation de confiance entre le médecin et son patient.

 

 

107.     Le CPT est également préoccupé par les dispositifs de sécurité mis en place pour les transferts de patients de la clinique de Rheinau. Tous les patients étaient systématiquement menottés (mains et/ou pieds) pendant le transport par la police, et certains ont même rapporté qu’ils étaient restés menottés pendant le premier entretien d’admission. La recommandation et les commentaires formulés au paragraphe 85 sont également applicables aux dispositifs de sécurité entourant les transferts et l’admission de patients à la clinique de Rheinau.

 

 

108.     Les patients avaient en principe libre accès à l’aire de promenade du pavillon de sécurité de la clinique de Rheinau. Toutefois, ils n’étaient pas autorisés à sortir par temps humide en raison du sol en béton glissant. Par ailleurs, la salle des visites était conçue de manière à ce que seules des visites avec dispositif de séparation soient possibles.

 

            Il convient de trouver une solution visant à s’assurer que l’aire de promenade du pavillon de sécurité soit accessible aux patients par mauvais temps. Par ailleurs, le Comité rappelle que les visites avec dispositif de séparation, comme toute autre mesure de sécurité, ne devraient être imposées que sur la base d’une évaluation individuelle des risques. Par conséquent, des locaux devraient être prévus dans le pavillon de sécurité afin de permettre des visites de type ouvert (autour d’une table).

 

 

4.         Personnel, traitement et régime

 

 

a.         personnes à l’encontre desquelles un traitement institutionnel a été ordonné et placées à la clinique de psychiatrie légale de Rheinau

 

 

109.     A la clinique de Rheinau, un traitement médicolégal de grande qualité était proposé aux patients, la plupart étant atteints de psychose. Le personnel travaillait en équipes thérapeutiques multidisciplinaires et les effectifs du personnel semblaient satisfaisants, avec au total 12 psychiatres, six psychologues à temps partiel, deux travailleurs sociaux et 71 infirmières à plein temps travaillant par équipes en rotation[78].

 

Outre les traitements chimiothérapeutiques, les patients pouvaient bénéficier d’un large éventail d’activités thérapeutiques, comme la psychoéducation, la psychothérapie ou l’ergothérapie. Tous les patients bénéficiaient d’un protocole de soins individualisé, qui était établi et régulièrement revu avec la participation du patient. Les patients du pavillon de sécurité de la clinique de Rheinau qui avaient atteint un certain niveau de stabilité devaient être transférés au pavillon réservé au traitement institutionnel, où ils devaient se préparer à la réintégration à une vie normale selon un programme progressif conduisant à l’assouplissement de leur régime. Cela étant, les patients remplissant ces conditions devaient parfois attendre plusieurs mois, voire plus d’un an, avant qu’une place ne se libère dans le pavillon réservé au traitement institutionnel (voir le paragraphe 106).

 

 

b.         personnes à l’encontre desquelles un traitement institutionnel a été ordonné et placées en milieu carcéral

 

 

110.     A Pöschwies, la délégation a observé que l’unité de psychiatrie légale proposait un environnement thérapeutique de grande qualité. Contrairement à la clinique de Rheinau, la majorité des patients traités dans cette unité étaient atteints de troubles de la personnalité.

 

L’unité disposait d’équipes interdisciplinaires et de professionnels qualifiés et était bien outillée pour répondre à sa double tâche, qui était de traiter les troubles psychiatriques et de proposer des programmes visant à prévenir la récidive. Les effectifs du personnel étaient élevés, avec un ratio patient/personnel chargé des soins de 1:1 (un médecin chef, deux psychologues, un thérapeute en chef et 18 thérapeutes, ainsi que deux travailleurs sociaux). En outre, il y avait au moins un psychiatre du service psychiatrique pénitentiaire présent tous les jours. 

 

 

Outre les médicaments psychotropes, le traitement thérapeutique incluait un programme de prise de conscience du comportement délictueux sur deux ans, composé de divers modules visant à prévenir la récidive, qui incluaient une thérapie individuelle et de groupe, ainsi que de l’ergothérapie et du travail. Les patients suivaient un protocole de traitement individualisé, qui était régulièrement revu et discuté avec le patient. Une fois ce protocole réalisé avec succès, le but était de transférer les détenus vers des institutions plus ouvertes afin de les préparer à leur éventuelle réintégration dans la société ; la sortie directe de prison était peu probable.

 

 

111.     Cependant, le nombre de places était limité et la délégation a rencontré, à Pöschwies, un certain nombre de personnes à l’encontre desquelles un traitement institutionnel avait été ordonné et soumises au régime détention ordinaire (12 sur 43). Elles devaient souvent attendre plusieurs mois, voire une année, avant qu’une place appropriée ne se libère dans l’unité de psychiatrie légale de Pöschwies ou dans un autre établissement de ce type. Dans l’intervalle, certaines d’entre elles suivaient un traitement ambulatoire (une heure de psychothérapie par semaine, par exemple), une situation qui n’avait certainement pas été envisagée par les tribunaux au moment d’imposer un « traitement institutionnel » aux intéressés. En outre, il est apparu au cours de la visite que les deux psychiatres prenant en charge les personnes en régime de détention ordinaire (y compris ceux faisant l’objet de mesures) ne considéraient pas celles-ci comme faisant partie de leurs priorités.

 

 

112.     La situation dans le pénitencier de Bochuz et la prison de Champ-Dollon était similaire, avec un nombre significatif de personnes à l’encontre desquelles un traitement institutionnel a été ordonné qui étaient soumises au régime de détention ordinaire et avaient un accès limité à une thérapie.

 

 

113.     Le personnel et les personnes détenues elles-mêmes ont fait part de leur préoccupation concernant la position des personnes qui ne reçoivent pas le traitement dont elles ont besoin, une situation qui risque de provoquer des sentiments d’anxiété, de doutes et de colère chez les intéressés. Il a également été signalé qu’à Pöschwies, certaines personnes, en raison de graves troubles de l’apprentissage, étaient considérés comme incapables de bénéficier des programmes adaptés axés sur le comportement délictueux dans l’unité de psychiatrie légale et qu’il n’était donc pas prévu, bien qu’ils soient inscrits sur liste d’attente, de les placer dans cette unité. À Champ-Dollon, la délégation a en outre rencontré une personne à l’encontre de laquelle un traitement institutionnel avait été ordonné et qui avait déjà passé plus de quatre ans dans l’établissement. En raison de la gravité de son trouble, elle refusait tout type de traitement ou de réévaluation. En cas de crise, les personnes appartenant à cette catégorie étaient hospitalisées en milieu psychiatrique, mais elles arrêtaient souvent leurs traitements quelques jours après le retour en prison.

 

Comme cela était le cas en 2007[79], au pénitencier de Pöschwies, plusieurs personnes détenues ont allégué que si elles refusaient de prendre des médicaments psychotropes, elles seraient envoyées en cellule disciplinaire. Le personnel a confirmé que les personnes refusant de prendre un médicament étaient mises à l’écart, non à titre de sanction disciplinaire, mais pour des raisons de sécurité collective s’il n’était pas possible de les hospitaliser dans l’immédiat.

 

 

114.     De tels personnes couraient un risque accru de passer le reste de leur vie en prison ou même d’être placées en unité de haute sécurité, dans des conditions qui ne permettaient pas un environnement thérapeutique approprié et pouvaient avoir avec certitude des conséquences négatives sur leur état de santé (voir les paragraphes 47 et 50). Comme dans le cadre de la visite de 2007[80], les directions des établissements pénitentiaires ont exprimé leur inquiétude devant le fait qu’ils se trouvaient souvent dans l’obligation d’héberger ce type de personnes en unité de haute sécurité car les hôpitaux psychiatriques et autres institutions appropriées refusaient de les prendre en charge en raison de leur dangerosité.

 

En fait, la majeure partie des personnes placées dans ces unités au moment de la visite souffraient de graves troubles psychiatriques et prenaient des psychotropes. Dans l’unité de haute sécurité de Bostadel, un traitement institutionnel avait été ordonné à l’encontre de quatre occupants de cette unité. Trois d’entre eux figuraient sur des listes d’attente d’institutions thérapeutiques (clinique de psychiatrie légale de Rheinau, centre de thérapie « Im Schache »). Les délais d’attente avant admission pouvaient aller jusqu’à 18 mois.

 

 

115.     La situation actuelle des personnes à l’encontre desquelles un traitement institutionnel a été ordonné dans les établissements pénitentiaires visités contrastait vivement avec l’objet des nouvelles dispositions législatives adoptées cinq ans plus tôt. La loi énonce clairement les principes suivants : 1) le traitement institutionnel « prime une peine privative de liberté prononcée conjointement » [81] et 2) une mesure peut, dans certaines circonstances, être exécutée dans un établissement pénitentiaire « dans la mesure où le traitement thérapeutique nécessaire est assuré par du personnel qualifié »[82]. Il est apparu pendant la visite que, malgré les efforts visant à accroître la capacité des établissements pouvant prendre en charge les personnes à l’encontre desquelles un traitement institutionnel a été ordonné (voir le paragraphe 100), le nombre de ces personnes était bien plus élevé que le nombre de places disponibles si bien que les exigences légales mentionnées précédemment ne pouvaient pas être respectées dans un certain nombre de cas.

 

Le CPT rappelle que toute personne souffrant de troubles psychiatriques à l’encontre de laquelle un traitement institutionnel a été ordonné, devrait être placée et prise en charge en structure de soins équipée de façon adéquate et disposant de personnels qualifiés.

 

 

116.     Le Comité relève que des efforts ont été consentis par les autorités suisses en vue d’accroître le nombre de places pour les personnes à l’encontre desquelles un traitement institutionnel a été ordonné. Toutefois, il estime qu’il est temps de procéder à une évaluation du nombre de mesures thérapeutiques institutionnelles prononcées par les tribunaux, du nombre de places disponibles et du nombre de personnes inscrites sur liste d’attente pour un placement dans des unités/établissements adéquats, afin d’améliorer la gestion des personnes à l’encontre desquelles un traitement institutionnel a été ordonné.

 

 

A cet égard, le Comité relève avec satisfaction que la proposition de la délégation du CPT formulée à l’issue de la visite de mettre sur pied un groupe de travail constitué de représentants de diverses autorités cantonales en charge de questions sanitaires et pénitentiaires, afin de trouver rapidement une solution au problème de personnes souffrant de troubles psychiatriques en établissement pénitentiaire a été suivie d’effet. Dans une lettre du 10 février 2012, les autorités suisses ont informé le Comité que la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police a décidé de mettre sur pied un tel groupe de travail rassemblant des représentants des autorités cantonales pénitentiaires et sanitaires, ainsi que de la Confédération suisse des médecins pénitentiaires.

 

Le CPT souhaite recevoir des informations sur les résultats des activités du groupe de travail en question et sur les mesures prises afin de trouver une réponse au problème des personnes atteintes de troubles psychiatriques en milieu totalement inadéquat, que ce soit en unité de haute sécurité ou dans d’autres unités de détention, et en vue d’améliorer, de manière plus générale et dans toute la Suisse, la gestion des personnes à l’encontre desquelles un traitement institutionnel a été ordonné.

 

 

c.         personnes à l’encontre desquelles l’internement a été ordonné et placées en milieu carcéral

 

 

117.     Dans tous les établissements visités, les personnes faisant l’objet d’un internement suivaient le régime ordinaire des détenus condamnés ; ils travaillaient pendant la journée et participaient pendant leur temps libre à des activités sociales avec les détenus exécutant des peines privatives de liberté (voir les paragraphes 58 et 59).

 

            Le Comité se réjouit de constater que, bien qu’il n’y ait pas d’obligation juridique stricte de proposer une thérapie à ceux faisant l’objet d’un internement[83], dans la plupart des établissements visités, des efforts étaient consentis pour proposer une assistance psychologique et psychiatrique aux détenus internés, en vue de les encourager à la conversion de l’internement en traitement institutionnel. En dépit du fait que la loi prévoit la possibilité de libération conditionnelle de l’internement[84], il est apparu que, dans les faits, une telle conversion étaient la seule perspective réaliste, pour les personnes concernées, d’aboutir à terme à une libération.

 

            A cet égard, un certain nombre de personnes avec lesquelles la délégation s’est entretenue n’étaient plus motivées pour faire des efforts de réinsertion après de nombreuses années passées en prison dans le cadre d’un internement. En raison du climat politique général en Suisse, il semblait peu probable pour un grand nombre d’entre elles qu’elles bénéficient d’une libération. Le cas d’une personne détenue décédée en mars 2010 à la « division d’attente » du pénitencier de Bochuz (voir la note de bas de page n° 40) montre bien que la crainte de ces personnes de finir dans une impasse n’est pas totalement injustifiée : l’intéressé avait été condamné à l’origine à une peine de 20 mois d’emprisonnement, mais avait passé 10 ans en prison dans le cadre d’un internement, dont plusieurs années à l’isolement en unité de haute sécurité.

 

 

           

 

Les personnes détenues et le personnel ont également fait remarquer que les congés et autres allégements dans l’exécution ont fortement diminué ces dernières années en ce qui concerne les personnes faisant l’objet d’un internement. En outre, après l’évasion d’une personne internée dans le canton de Berne au cours d’un congé en 2011, tous les allégements de l’exécution pour les personnes faisant l’objet d’un internement dans ce canton ont été supprimés par les autorités pénitentiaires cantonales. Au pénitencier de Bostadel, la délégation a rencontré deux personnes faisant l’objet d’un internement, en provenance du canton de Berne, qui étaient concernées par cette mesure. Elles avaient bénéficié de tels allégements pendant des années et n’avaient pas commis d’infractions au règlement qui auraient justifié le retrait de ces allégements. Les allégements dans l’exécution font partie intégrante du programme de réinsertion, et cette interdiction totale a été vécue par les personnes concernées non seulement comme une « sanction collective », mais aussi comme un recul important dans leur travail thérapeutique en vue d’une libération conditionnelle.

 

            Etant donné les effets potentiellement néfastes que peut avoir une détention prolongée sans aucune perspective de libération, les personnes faisant l’objet d’un internement devraient se voir octroyer la possibilité de progresser vers une libération, et notamment avoir l’occasion de prouver leur fiabilité dans le cadre d’allégements dans l’exécution des mesures (congés, etc.). Tout refus d’allégements dans l’exécution des mesures devrait être fondé sur une évaluation individuelle des risques.  

 

 

118.     S’agissant de ceux qui seront internés « à vie », les perspectives d’un allégement dans l’exécution ou d’une éventuelle libération apparaissent bien moindres encore. Au moment de la visite en Suisse, l’internement à vie a été prononcé, dans le cadre d’un arrêt définitif, à l’encontre d’une personne. Le détenu purgeait toujours une peine privative de liberté et il restait à déterminer si et où il effectuerait sa mesure d’internement. Toutefois, il ressort clairement du cadre constitutionnel de cette forme stricte d’internement qu’aucune mise en liberté anticipée ni aucun allégement dans l’exécution ne peut être autorisé (Article 123a, paragraphe 1, de la Constitution fédérale). Comme énoncé ci-dessus (paragraphe 99), les perspectives d’une éventuelle remise en liberté ou d’une conversion de la mesure en un traitement institutionnel sont limitées aux cas où de nouvelles connaissances scientifiques permettent de traiter l’auteur de manière à ce qu’il ne représente plus de danger pour la collectivité.

 

Le CPT émet de sérieuses réserves quant au concept même de l’internement « à vie » selon lequel ces personnes, une fois qu’elles ont été déclarées extrêmement dangereuses et non amendables, sont considérées une fois pour toutes comme présentant un danger permanent pour la société et se voient formellement privées de tout espoir d’allégement de l’exécution de la mesure, voire même de libération conditionnelle. Etant donné que la seule possibilité d’être libérée, pour la personne concernée, dépend d’une avancée scientifique, elle est privée de toute capacité d’avoir une influence sur son éventuelle libération, par le biais de sa bonne conduite dans le cadre de l’exécution de la mesure, par exemple.

 

            A cet égard, le Comité renvoie à la Recommandation Rec (2006) 2 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, du 11 janvier 2006, sur les Règles pénitentiaires européennes, ainsi qu’au paragraphe 4.a. de la Recommandation Rec (2003) 22 du Comité des Ministres, du 24 septembre 2003, concernant la libération conditionnelle, laquelle indique clairement que la législation devrait prévoir la possibilité pour tous les détenus condamnés, y compris les personnes faisant l’objet d’une sanction pénale à vie, de bénéficier de la libération conditionnelle. L’exposé des motifs de ce dernier insiste sur le fait que les condamnés à vie ne doivent pas se voir priver de l’espoir d’être libérés.

 

            Le CPT estime donc qu’il est inhumain d’incarcérer une personne à vie sans réels espoirs de libération. Le Comité invite fermement les autorités suisses à réexaminer le concept d’internement « à vie » en conséquence.  

 

 

119.     Quant au nombre croissant de personnes pouvant rester pendant une période indéterminée soumises à une mesure d’internement, d’autres questions délicates doivent être abordées, comme la manière de garantir une vie humaine dans les faits. Cela concerne d’une part la question du régime, qui est actuellement le même que celui des détenus exécutant une peine privative de liberté. D’autre part se pose la question d’un hébergement adapté à des personnes de plus en plus âgées et des soins aux personnes âgées et fragiles.

 

            A Pöschwies, par exemple, une unité spéciale pour détenus âgés a été créée il y a quelques années, incluant deux cellules spéciales pour personnes à mobilité fortement réduite. Cependant, le décès d’une personne faisant l’objet d’un internement et ayant été placée dans cette unité, quelques jours après la visite de la délégation, a soulevé des questions quant à savoir si le personnel de surveillance de cette unité pouvait dispenser les soins nécessaires à ces personnes (aide pour se laver, pour aller aux toilettes, etc.). La personne en question, qui était atteinte d’un cancer et se déplaçait en fauteuil roulant, est décédée à l’hôpital où elle avait été transférée en raison de craintes d’empoisonnement sanguin. Les détenus de son unité ont fait savoir que le personnel (de surveillance) l’avait apparemment négligé les jours précédant l’incident ayant conduit à sa mort. Ils ont également allégué que les autres personnes détenues dans la même unité avaient l’interdiction formelle de l’aider pour ses besoins quotidiens (comme prendre une douche, etc.). Le CPT souhaite recevoir des informations sur les résultats de toute enquête administrative/pénale dans le cadre de cette affaire.

 

            Par ailleurs, le Comité est préoccupé par le fait que l’unité d’intégration du pénitencier de  Pöschwies abritait des personnes à l’encontre desquelles un traitement institutionnel ou l’internement a été ordonné en mauvais état de santé physique et atteintes de troubles psychiatriques qui nécessitaient des soins constants prodigués par du personnel de santé. Or, après 20h, il n’y avait plus aucune présence infirmière dans l’établissement. Le CPT recommande que des postes d’infirmiers soient spécialement affectés à cette unité si des personnes nécessitant des soins constants continuent d’y être placées. 

 

 

120.     Les personnes à l’encontre desquelles l’internement a été ordonné qui, en raison de leur troubles psychiatriques, ont été considérées comme dangereuses, sont exposées à un risque sérieux de placement en unité de haute sécurité avec un régime de détention particulièrement appauvri (voir les paragraphes 47-50). Certaines personnes rencontrées par la délégation avaient été placées dans ces unités pendant de longues périodes. A Pöschwies, quatre des six occupants de l’unité de haute sécurité faisaient l’objet d’une mesure d’internement. Chacun présentait de graves symptômes psychiatriques et recevait un traitement psychotrope. L’un d’eux se trouvait en unité de haute sécurité depuis huit ans. Dans l’unité de haute sécurité de Bostadel, la délégation s’est également entretenue avec une personne internée diagnostiquée comme atteinte de troubles psychiatriques. L’intéressé avait passé neuf ans au total en unité de haute sécurité et était transféré tous les six mois dans une unité de haute sécurité différente, entre Thurgau, Bostadel et Lenzburg. Il est renvoyé à cet égard aux remarques et commentaires formulés aux paragraphes 115 et 116.

 

 

5.         Moyens de contention

 

 

121.     Les moyens et les procédures pour l’application de moyens de contention aux personnes soumises à des « mesures » à la clinique de psychiatrie légale de Rheinau étaient énoncés dans la loi relative aux patients du canton de Zurich[85]. Selon ces dispositions, les moyens de contention doivent être ordonnés par un médecin ou, en cas d’urgence, par du personnel de santé qui doit en référer immédiatement à un médecin. Les patients doivent être informés de leur droit de faire appel de cette mesure devant un tribunal. Conformément aux dispositions de cette loi, à la clinique de Rheinau, des instructions internes claires avaient été émises sur les procédures à suivre dans un tel cas. Il ressort de l’examen des registres sur le recours aux moyens de contention et des consultations avec les patients et le personnel que les exigences légales et les instructions internes étaient généralement respectées dans les faits. Les informations recueillies montrent aussi que la mise sous contention était rarement appliquée pendant plus de 24 heures. Cependant, dans certains cas, les patients étaient soumis à différentes formes de contention (mise sous contention en trois ou sept points de fixation, ceintures de force) pendant des périodes consécutives de plusieurs jours ou semaines, parfois même pour une durée d’un mois[86]. D’après le manuel de sécurité, la mise sous contention doit être utilisée en dernier ressort, lorsqu’il n’existe aucune alternative ; or, la recherche d’alternatives pouvant être utilisées par le personnel de santé lorsqu’il était confronté à des patients difficiles faisait défaut. Par ailleurs, la surveillance de la personne placée sous contention n’était assurée que par des moyens audiovisuels.

 

Le CPT tient à rappeler que le recours aux moyens de contention physique, tels que la mise sous contention mécanique, devrait se limiter à la durée la plus brève possible (elle se compte en général en minutes plutôt qu’en heures). De l’avis du Comité, une mise sous contention durant plusieurs jours consécutifs ne saurait avoir aucune justification et s’apparente à un mauvais traitement.

 

Le CPT recommande de rechercher, à la clinique de Rheinau, des solutions alternatives à la mise sous contention. Par ailleurs, des mesures doivent être prises afin de veiller à ce que soit effectuée une surveillance continue, directe et personnelle des patients mis sous contention ; les moyens techniques audiovisuels actuellement mis en place pour la surveillance ne sauraient remplacer cette forme de contact humain direct par des membres du personnel. 

 

 

6.         Garanties

 

 

122.     La procédure de placement dans le cadre d’un traitement institutionnel ou l’internement a déjà été décrite dans le rapport relatif à la visite de 2007[87].

 

            S’agissant du réexamen, il est rappelé que les autorités pénitentiaires cantonales compétentes doivent examiner au moins une fois par an si la personne à l’encontre de laquelle un traitement institutionnel ou l’internement a été ordonné peut bénéficier d’une libération conditionnelle, et au moins une fois tous les deux ans si une mesure d’internement peut être convertie en traitement institutionnel. La décision doit se fonder sur un rapport de la direction de l’établissement et sur l’audition de la personne concernée. Lors du réexamen de la situation d’une personne internée, ou dans certains cas, d’une personne faisant l’objet d’un traitement institutionnel[88], les autorités pénitentiaires doivent également prendre leur décision sur la base d’une expertise indépendante, après avoir entendu une commission d’experts (Fachkommission)[89]. La personne concernée peut faire appel des décisions des autorités pénitentiaires auprès des tribunaux administratifs et demander une aide juridictionnelle gratuite si elle n’a pas les moyens de payer les services d’un avocat. 

 

 

123.     Il ressort de l’examen des dossiers individuels et des entretiens avec les intéressés et le personnel que les conditions légales susmentionnées étaient respectées dans les faits. Cependant, il était évident que l’autorité pénitentiaire qui prenait la décision suivait en règle générale l’avis formulé par la commission d’experts. Cela suscite quelques préoccupations concernant les garanties juridiques pour la personne en question : la commission d’experts, qui était de fait l’organe de prise de décision, n’avait aucune obligation légale d’entendre l’intéressé en personne ni son représentant lorsqu’elle examinait sa situation. Dans les faits, la commission d’experts se forgeait souvent une opinion sur la base des rapports du psychiatre traitant de la personne concernée et des informations contenues dans le dossier de ce dernier (comme les précédents avis d’experts). De l’avis du CPT, il convient d’inclure dans les règles des différentes commissions d’experts chargées de réexaminer la nécessité du maintien d’un traitement institutionnel ou d’un internement l’obligation d’auditionner l’intéressé et la possibilité pour celui-ci de se faire représenter lors des séances des commissions d’experts, notamment afin de préserver ses intérêts dans le cadre du processus de décision au sein de ces mêmes commissions.

 

 


ANNEXE I

Liste des recommandations, commentaires
et demandes d’informations du CPT

 

 

Mise en place d’un mécanisme national de prévention

 

 

            demandes d’information

 

-           les remarques des autorités suisses s’agissant des moyens alloués à la Commission nationale de prévention de la torture, tant en termes de budget que de personnel (paragraphe 7).

 

 

Personnes privées de leur liberté par les forces de l’ordre

 

 

            Remarques préliminaires

 

 

            demandes d’information

 

-           les remarques des autorités sur les éventuelles pratiques, dans la République et canton de Genève, pouvant revenir à contourner les nouvelles dispositions légales en vigueur relatives à l’appréhension et l’arrestation provisoire afin de retarder dans les faits l’exercice, par les personnes concernées, de leurs droits pendant les premières heures de leur privation de liberté (paragraphe 9).

 

 

            Mauvais traitements

 

 

            recommandations

 

-           renforcer l’action menée en matière de prévention des violences policières, notamment :

 

i)                     en rappelant avec la plus grande fermeté aux fonctionnaires de la police cantonale genevoise, ainsi qu’aux agents du détachement d’action rapide et de dissuasion de la police cantonale vaudoise, qu’au moment de procéder à une appréhension/arrestation provisoire, il est impératif de ne pas employer plus de force qu’il n’est strictement nécessaire et que, dès lors que les personnes appréhendées/arrêtées sont maîtrisées, rien ne saurait justifier de les brutaliser ;

 

ii)                   en revoyant, dans le canton de Genève, les normes et procédures applicables aux premiers interrogatoires, notamment l’éventuel interrogatoire d’une personne appréhendée au poste de police. Il convient de veiller à ce que soient systématiquement consignés l’heure du début et de la fin de ce type d’interrogatoire, aussi bref soit-il, ainsi que toute demande faite par la personne appréhendée lors de l’interrogatoire ;

 

iii)                  

iv)                  en développant encore davantage les formations continues de la police cantonale genevoise et du détachement d’action rapide et de dissuasion de la police cantonale vaudoise relatives à l’usage proportionné de la force dans le cadre d’une appréhension/arrestation provisoire ;

 

v)                    en émettant une nouvelle directive, dans le canton de Genève, interdisant les techniques d’utilisation de la force physique pouvant entraver les voies respiratoires

(paragraphe 13) ;

 

-           valoriser les comportements appropriés de fonctionnaires de police vis-à-vis des personnes appréhendées/arrêtées, notamment en encourageant davantage les attitudes consistant à signaler, par les voies appropriées, les cas de violences commises par des collègues ; il doit être clairement compris que la culpabilité en matière de mauvais traitements s’étend non seulement à ceux qui les ont infligés, mais également à toute personne qui sait ou qui devrait savoir qu’il y a ou qu’il y a eu mauvais traitements et qui n’a pris aucune mesure pour les empêcher ou les dénoncer. Une procédure claire de signalement et des mesures de protection efficaces pour celles ou ceux qui donnent l’alarme doit être en place (paragraphe 13) ;

 

-           adopter les mesures qui s’imposent relatives à l’identification des fonctionnaires de police et au port de cagoules dans le cadre d’une appréhension/arrestation provisoire dans les cantons de Genève et de Vaud, à la lumière des remarques formulées au paragraphe 14 (paragraphe 14) ;

 

-           traduire automatiquement en personne tout individu privé de liberté à l’égard duquel la détention provisoire ou une mesure de substitution est requise devant l’autorité judiciaire appelée à statuer sur la nécessité d’ordonner ce type de mesure (paragraphe 16) ;

 

-           sensibiliser davantage le tribunal des mesures de contrainte de Genève quant à la nécessité de veiller à ce que les démarches nécessaires soient entreprises lorsqu’une personne traduite devant lui allègue avoir fait l’objet de violences policières. Même en l’absence d’une allégation explicite de mauvais traitements, le juge doit s’assurer qu’un examen médicolégal est ordonné chaque fois qu’il existe d’autres raisons de croire (comme, par exemple, des lésions visibles ou l’aspect ou le comportement général de la personne concernée) que des mauvais traitements ont pu avoir lieu (paragraphe 16) ;

 

-           dans le canton de Genève, ainsi que dans tout autre canton où des unités de police seraient habilitées à utiliser des dispositifs incapacitants à impulsions électriques dans un environnement sécurisé, veiller à ce que soit respecté le principe selon lequel seules des circonstances très exceptionnelles (une prise d’otages, par exemple) peuvent justifier le recours à ces dispositifs dans un tel environnement (paragraphe 17) ;

 

-           faire clairement comprendre aux fonctionnaires de police des cantons de Genève, de Vaud et de Zurich que, s’il est jugé indispensable de procéder au menottage d’une personne appréhendée/arrêtée, celui-ci ne doit à aucun moment être excessivement serré (paragraphe 18) ;

 

-           prendre des mesures afin que les principes énoncés au paragraphe 19 en matière de fouilles corporelles intégrales soient dûment respectés dans le canton de Zurich et, le cas échéant, dans d’autres cantons (paragraphe 19) ;

 

-           diffuser des instructions à tous les services de la police municipale de Zurich visant à retirer immédiatement des locaux où des personnes peuvent être accueillies, détenues ou auditionnées tout objet non conforme à la réglementation et susceptible de servir d’arme. Tout objet saisi à des fins de preuve dans le cadre d’une enquête ou pour des raisons de sécurité doit toujours être correctement étiqueté, inventorié, et conservé dans un endroit spécialement réservé à cet effet (paragraphe 20).

 

 

            commentaires

 

-           l’utilisation de dispositifs incapacitants à impulsions électriques doit se limiter aux situations où il existe un danger réel et immédiat pour la vie ou un risque évident de blessures graves. Le recours à de tels dispositifs dans le seul but d’obtenir l’obéissance à une injonction serait inadmissible (paragraphe 17).

 

 

            demandes d’informations

 

-           des précisions quant aux garanties d’indépendance de l’Inspection générale des services (IGS) vis-à-vis des services qu’elle a à contrôler, aux moyens mis à sa disposition dans le cadre de ses enquêtes et à son interaction avec le Commissariat à la déontologie (paragraphe 15) ;

 

-           pour les années 2010 et 2011, les informations suivantes :

 

(i)        le nombre de signalements/plaintes pour mauvais traitements infligés par la police cantonale genevoise ;

 

(ii)       le nombre de procédures disciplinaires initiées à la suite de ces signalements/plaintes ;

 

(iii)      le nombre d’enquêtes pénales confiées à l’IGS à la suite de ces signalements/plaintes ;

 

(iv)      un relevé des sanctions disciplinaires et/ou pénales imposées

(paragraphe 15) ;

 

-           si l’exclusion de l’usage de dispositifs incapacitants à impulsions électriques lors de rapatriement par voie aérienne couvre les opérations d’éloignement d’étrangers à partir des établissements dans lesquels ces personnes sont privées de liberté/hébergées (paragraphe 17) ;

 

-           des précisions sur le cas d’utilisation de dispositifs incapacitants à impulsions électriques en 2010 mentionné au paragraphe 17, ainsi qu’une copie de l’éventuel rapport médicolégal rédigé à la suite de l’incident (paragraphe 17).

 

 

           

 

            Garanties contre les mauvais traitements

 

 

            recommandations

 

-           prendre les mesures qui s’imposent afin que toute personne faisant l’objet d’une appréhension ait le droit de faire informer ses proches au même titre que les personnes arrêtées provisoirement (paragraphe 22) ;

 

-           entourer la possibilité, pour la police, de différer l’exercice du droit de la personne privée de liberté de faire informer ses proches de garanties appropriées (par exemple, consigner le délai et en indiquer le motif précis ; requérir aussitôt l’aval d’un fonctionnaire de police supérieur, sans lien avec l’affaire, ou du ministère public) et réduire à un maximum de 48 heures le délai pendant lequel ce droit peut être différé dans le « but de l’instruction » (paragraphe 23) ;

 

-           prendre les mesures nécessaires afin que le droit d’accès à un avocat, en tant que moyen de prévention des mauvais traitements, soit garanti dès le début de la privation de liberté, c’est-à-dire à partir du moment où l’intéressé est privé de sa liberté d’aller et venir par la police. Plus précisément, si dès le début de la privation de liberté, la personne appréhendée/arrêtée demande à faire appel à un avocat, il convient de veiller à ce que le premier interrogatoire ne puisse débuter sans la présence de l’avocat (choisi ou commis d’office) qu’après l’expiration d’un délai précis. Seuls des impératifs exceptionnels clairement définis, tels que la prévention d’une atteinte imminente aux personnes, doit justifier le début de l’interrogatoire de la personne détenue sans attendre l’arrivée de l’avocat choisi/commis d’office. De telles mesures nécessitent un réexamen des modalités d’intervention des avocats commis d’office (paragraphe 24) ;

 

-           prendre les mesures qui s’imposent afin que toute personne appréhendée/arrêtée provisoirement jouisse d’un droit effectif, dès le début de la privation de liberté, d’être examinée par un médecin. Cela implique que toute demande d’une personne appréhendée/arrêtée de voir un médecin doit être satisfaite au plus vite (paragraphe 25) ;

 

-           prendre des mesures afin que, lorsqu’un médecin est appelé à intervenir auprès des personnes détenues, le personnel de police n’ait accès qu’aux informations médicales strictement nécessaires pour l’accomplissement de sa tâche (paragraphe 25) ;

 

-           dans tous les cantons, s’assurer que toutes les personnes privées de liberté par la police soient pleinement informées de leurs droits dès le tout début de la privation de liberté. Cela devrait être assuré dans un premier temps par des renseignements fournis oralement, et complétés dès que possible (c’est-à-dire à l’arrivée au poste de police) par la remise d’une notice énumérant de manière simple les droits des personnes concernées. Ces notices devraient être disponibles dans un éventail approprié de langues. De plus, les personnes concernées devraient être invitées à signer une déclaration attestant qu’elles ont été informées de leurs droits dans une langue qu’elles comprennent (paragraphe 26) ;

 

 

-           faire preuve de vigilance afin que les mineurs détenus soient informés de leurs droits dès le début de leur privation de liberté par la police (qu’ils soient appréhendés ou arrêtés provisoirement). En outre, il convient de veiller à ce qu’ils ne soient pas amenés à faire des déclarations ni à signer des documents concernant l’infraction dont ils sont soupçonnés sans bénéficier de la présence d’un avocat et, en principe, d’un adulte de confiance pour les assister (paragraphe 27).

 

 

            demandes d’information

 

-           des précisions sur la définition du « but de l’instruction » pouvant justifier de différer l’exercice du droit de la personne privée de liberté par la police de faire informer leurs proches (paragraphe 23).

 

 

            Conditions de détention

 

 

            recommandations

 

-           dans le canton de Genève et, le cas échéant, dans d’autres cantons, faire en sorte qu’aucune cellule de police individuelle mesurant moins de 5 m² ne soit utilisée pour des personnes obligées de passer la nuit en détention (paragraphe 29) ;

 

-           à la prison de la police cantonale de Zurich, veiller au respect des dispositions de la réglementation en vigueur ayant trait à la durée d’au moins une heure de promenade quotidienne (paragraphe 30) ;

 

-           à la prison de la police cantonale de Zurich, ainsi que dans tout autre établissement de police de la Confédération, cesser de recourir à des mesures visant à menotter des personnes agitées ou agressives au cadre d’un lit dans leur cellule. Si une personne détenue se comporte de manière particulièrement violente ou est dans un état d’agitation aiguë, l’utilisation d’entraves peut se justifier. En revanche, la personne concernée ne devrait pas être menottée à des objets fixes mais plutôt être placée sous étroite surveillance dans un environnement sûr. Si nécessaire, les fonctionnaires de police devraient faire appel à une assistance médicale et suivre les instructions du médecin (paragraphe 31).

 

 

Personnes en détention avant jugement exécutoire ou exécutant des peines privatives de liberté

 

 

            Remarques préliminaires

 

 

            recommandations

 

-           agir au plus vite aux niveaux fédéral, concordataire et cantonal afin que les personnes faisant l’objet de mesures de contrainte en matière de droit sur les étrangers ne soient pas hébergées en milieu carcéral et soient toujours placées dans des centres spécifiquement conçus à cet effet, répondant aux critères énoncés dans les 7ème et 19ème rapports généraux du CPT. En attendant, lorsqu’il n’y a encore aucune alternative au placement en milieu carcéral, il convient de veiller à ce que les personnes concernées bénéficient de conditions de détention appropriées (paragraphe 37).

 

 

            commentaires

 

-           il convient de sensibiliser régulièrement les plus hautes autorités judiciaires genevoises sur la situation de la prison de Champ-Dollon, ainsi que sur les principes édictés dans les recommandations pertinentes du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, et de redoubler d’efforts afin que les personnes devant exécuter une sanction pénale soient transférées au plus vite dans des établissements d’exécution des peines et des mesures (paragraphe 34).

 

 

            Mauvais traitements

 

 

            recommandations

 

-           la direction et le personnel d’encadrement de la prison de Champ-Dollon doit exercer une vigilance accrue vis-à-vis du comportement des membres du personnel de surveillance qu’ils ont sous leur responsabilité. La direction doit utiliser tous les moyens à sa disposition pour prévenir tout comportement du personnel tel que ceux évoqués au paragraphe 40, en particulier : i) rappeler avec la plus grande fermeté et à intervalle régulier à l’ensemble du personnel de surveillance qu’aucun écart de conduite envers les détenus ne sera toléré et valoriser les comportements exemplaires ; ii) veiller à ce que l’ensemble du personnel d’encadrement ait toujours les qualités et compétences requises à l’exercice de sa fonction ; iii) être régulièrement présente dans les zones de détention ; iv) rester en permanence à l’écoute des détenus, du personnel et de l’ensemble des intervenants dans la prison (intervenants médicaux, sociaux, religieux, etc.) (paragraphe 40).

 

 

            commentaires

 

-           les autorités sont invitées à renforcer la direction et le personnel d’encadrement des établissements de la plaine de l’Orbe afin d’inscrire sur le long terme la nouvelle dynamique en matière de relations entre membres du personnel et détenus (paragraphe 39) ;

 

-           les efforts déployés à la prison de Champ-Dollon en matière de prévention de la violence et de l’intimidation entre détenus, notamment entre groupes ethniques antagonistes, devraient être poursuivis sans relâche (paragraphe 41) ;

 

-           les autorités compétentes devraient s’engager dans une réflexion approfondie sur les moyens de prévention nécessaires en vue de réduire davantage, au pénitencier de Bochuz, les risques de violence et d’intimidation de détenus à l’encontre de certaines catégories de détenus plus exposées que d’autres (paragraphe 41) ;

 

-           il devrait être rappelé au personnel chargé de la prise en charge éducative des mineurs au centre éducatif de détention et d’observation « La Clairière » qu’il doit veiller à ce que les jeunes surveillent leur langage entre eux et doit prendre les mesures qui s’imposent le cas échéant (paragraphe 41).

 

 

            demandes d’information

 

pour l’année 2011 :

 

•           le nombre de signalements/plaintes de mauvais traitements par le personnel pénitentiaire de la prison de Champ-Dollon ;

 

•           le nombre d’enquêtes administratives et/ou pénales engagées à la suite de ces plaintes ;

 

•           le résultat des procédures mentionnées plus haut et un relevé des éventuelles sanctions imposées

(paragraphe 40).

 

 

Détenus mineurs placés au centre éducatif de détention et d’observation « La Clairière »

 

            recommandations

 

-           continuer de soutenir les efforts réalisés au centre éducatif de détention et d’observation « La Clairière » afin que les jeunes détenus, qu’ils soient de sexe masculin ou féminin, puissent passer au moins huit heures en dehors de leur cellule (y compris les weekends et les jours fériés) et participer à des programmes d’activités motivantes et structurées adaptés aux besoins de chacun et visant à remplir des fonctions d’éducation, de développement personnel et social, de formation professionnelle, de réinsertion et de préparation à la remise en liberté, à la lumière des Règles européennes pour les délinquants mineurs faisant l’objet de sanctions ou de mesures. Dans ce contexte, les autorités doivent veiller à ce que le centre bénéficie de toute l’infrastructure nécessaire afin notamment de pouvoir faire face aux contraintes imposées par les tribunaux (paragraphe 44).

 

            commentaires

 

-           les autorités sont invitées à vérifier le système de chauffage et l’isolation dans l’ensemble des cellules du centre éducatif de détention et d’observation « La Clairière » (paragraphe 42) ;

 

-           il conviendrait de rappeler aux personnels de surveillance et de sécurité qu’ils doivent veiller à répondre au plus vite aux jeunes placés en cellule lorsque ceux-ci tentent d’attirer leur attention et qu’ils doivent, le cas échéant, prendre les mesures qui s’imposent (paragraphe 42) ;

 

-           les mineurs devraient être autorisés à porter leurs propres vêtements s’ils sont adéquats (paragraphe 43).

 

 

            demandes d’information

 

-           copie du concept de prise en charge éducative dans sa version définitive (paragraphe 44).

 

 

            Situation des personnes détenues placées en unité de haute sécurité ou soumises à un régime de « sécurité renforcée »

 

 

            recommandations

 

-           améliorer les conditions de détention des personnes placées en unité de haute sécurité ou soumises à un régime de « sécurité renforcée ».  L’objectif devrait être, tout au long de la mesure, de persuader le détenu de réintégrer le régime ordinaire de détention. Les détenus concernés devraient bénéficier d’un programme individualisé, axé sur la manière de traiter les motifs du placement/régime imposé. Ce programme devrait chercher à maximiser les contacts avec autrui – le personnel pour commencer puis, dès que possible, d’autres détenus appropriés – et proposer un éventail d’activités le plus vaste possible pour occuper les journées. Il devrait y avoir un fort encouragement de la part du personnel pour que le détenu participe à des activités et les contacts avec le monde extérieur devraient être facilités (paragraphe 50) ;

 

-           en ce qui concerne les détenus placés en unité de haute sécurité, aménager des parloirs ouverts, des espaces réservés aux activités en commun et des pièces adaptées pour les entretiens des personnes concernées avec les différents types de personnels afin de leur permettre de bénéficier de contacts humains appropriés (paragraphe 50) ;

 

-           prendre des mesures dans tous les établissements pénitentiaires suisses afin que toute personne placée dans des conditions d’isolement cellulaire (notamment en unité de haute sécurité ou dans le cadre d’un régime de « sécurité renforcée ») reçoive quotidiennement la visite d’un médecin ou d’un infirmier qualifié faisant rapport à un médecin. Le médecin doit rendre compte à la direction de l’établissement dès lors que la santé d’un détenu est gravement mise en danger (paragraphe 51) ;

 

 

-           suivre les procédures appropriées chaque fois qu’il est considéré comme nécessaire, à la prison de Champ-Dollon, de placer un détenu dans des conditions de « sécurité renforcée » (paragraphe 52) ;

 

-           dans les pénitenciers de Bostadel et de Pöschwies, ainsi que dans tout autre établissement pénitentiaire suisse, prendre des mesures visant à garantir que le détenu concerné par un placement en conditions de « haute sécurité » soit entendu en personne avant toute prise de décision formelle. Il importe également que toutes les autorités cantonales prennent des mesures pour amender les dispositions légales pertinentes afin qu’elles garantissent que la décision initiale de placement dans des conditions de « sécurité renforcée » ou de haute sécurité soit réexaminée au moins un mois après le début du placement, puis au moins tous les trois mois (paragraphe 53).

 

 

            demandes d’information

 

-           si la « division d’attente » du pénitencier de Bochuz est désormais en service (paragraphe 46).

 

 

            Conditions de détention de la population carcérale générale

 

 

            recommandations

 

-           prendre des mesures afin que toutes les personnes en détention provisoire et les femmes en exécution de peine à la prison de Frauenfeld aient quotidiennement accès à une aire de promenade appropriée (paragraphes 57 et 61) ;

 

-           poursuivre avec détermination les efforts entrepris visant à proposer aux personnes incarcérées dans les prisons de Champ-Dollon et de Frauenfeld, qu’elles soient en détention avant jugement exécutoire ou en exécution de peine, des activités adaptées allant du sport à un travail rémunéré, en passant par des programmes d’enseignement et de formation, leur permettant ainsi de passer une partie raisonnable de la journée, y compris les weekends et les jours fériés, hors de leur cellule. Dans ce contexte, les autorités compétentes doivent prendre les mesures qui s’imposent afin d’augmenter les postes de travail dans ces deux prisons (paragraphe 59) ;

 

-           entamer les démarches nécessaires à la prison de Frauenfeld afin de proposer aux femmes détenues un programme d’activités adaptées (travail, programme de formation/d’enseignement, activités sportives, culturelles et de loisirs, etc.) (paragraphe 62).

 

 

            commentaires

 

-           à la prison de Frauenfeld, il convient de veiller à ce que les femmes détenues soient toujours hébergées dans des cellules appropriées (paragraphe 60) ;

 

-           les autorités sont invitées à soutenir encore davantage les efforts réalisés à la prison de Champ-Dollon en vue de proposer aux femmes détenues une palette d’activités comparables à celle proposée aux hommes (paragraphe 62).

 

 

            demandes d’information

 

-           des précisions au sujet des incendies intervenus quelques mois après la visite et ayant nécessité l’hospitalisation de détenus (paragraphe 56) ;

 

-           confirmation que le nouveau système de distribution des repas est désormais en place à la prison de Champ Dollon (paragraphe 56) ;

 

-           des informations à jour en ce qui concerne la construction d’une nouvelle cuisine à la prison de Champ Dollon (paragraphe 56) ;

 

 

-           les remarques des autorités suisses à propos de l’obligation des détenus en exécution de peine de travailler au-delà de l’âge de la retraite en milieu libre ou en cas de mobilité fortement réduite (paragraphe 58) ;

 

-           sur l’avenir du projet « Femina » dans le cadre de la programmation pénitentiaire des autorités genevoises (paragraphe 62).

 

 

            Soins de santé

 

 

            recommandations

 

-           au pénitencier de Bochuz, accroître le temps de consultation hebdomadaire des médecins généralistes et améliorer l’accès aux soins spécialisés (paragraphe 63) ;

 

-           à la prison de Frauenfeld, mettre en place un système de visites régulières par un médecin généraliste (paragraphe 63) ;

 

-           dans les pénitenciers de Bochuz et de Bostadel, ainsi qu’au centre éducatif de détention et d’observation « La Clairière », assurer une présence infirmière les weekends et les jours fériés (paragraphe 65) ;

 

-           instaurer un système de visites infirmières quotidiennes à la prison de Frauenfeld (paragraphe 65) ;

 

-           dans tous les établissements pénitentiaires de la Confédération, toujours assurer en période nocturne la présence de personnel qualifié pour dispenser les premiers soins, de préférence du personnel infirmier diplômé (paragraphe 65) ;

 

-           à la prison de Frauenfeld, ainsi que dans tout autre établissement pénitentiaire de la Confédération, faire en sorte que toute personne détenue nouvellement arrivée fasse systématiquement l’objet d’un premier examen par un professionnel de santé dans les 24 heures suivant son admission (paragraphe 67) ;

 

 

-           prendre des mesures afin que les services de médecine pénitentiaire des établissements visités, ainsi que les autres services de médecine pénitentiaire de la Confédération, jouent pleinement leur rôle dans le dispositif de prévention des mauvais traitements en veillant à ce que :

 

•           les médecins indiquent en conclusion des constats de lésions traumatiques, chaque fois qu’ils sont en mesure de le faire, l’éventuel lien de causalité entre une ou plusieurs constatation(s) médicale(s) objective(s) et les déclarations de l’intéressé ;

 

•           les constats de lésions traumatiques susceptibles d’avoir été causées par des mauvais traitements (même en l’absence de déclarations en ce sens) soient automatiquement transmis à l’organe indépendant habilité à mener des enquêtes, notamment pénales, en la matière ;

 

•           les médecins informent les détenus concernés que la rédaction d’un tel constat se situe dans le cadre d’un dispositif de prévention des mauvais traitements, que ce constat doit être transmis automatiquement à un organe d’enquête indépendant clairement identifié et qu’une telle transmission ne se substitue en aucun cas à un dépôt de plainte en bonne et due forme

(paragraphe 68) ;

 

-           prendre des mesures afin que les consultations infirmières des femmes lors de leur admission à la prison de Champ-Dollon et les examens médicaux effectués à la prison de Frauenfeld s’effectuent dans des locaux appropriées hors de l’écoute et – sauf dans les cas particuliers où le professionnel de santé en fait expressément la demande – hors de la vue de membres du personnel n’ayant pas de fonction médicale ou infirmière (paragraphe 69) ;

 

-           revoir la pratique en matière d’administration des traitements chimiothérapeutiques dans les unités de soins prenant en charge les patients détenus souffrant de troubles psychiatriques, à la lumière des considérations formulées au paragraphe 75 (paragraphe 75) ;

 

-           revoir les dispositifs de sécurité visant les patients psychiatriques à risque dans l’unité cellulaire de l’hôpital de l’Ile, à la lumière des considérations formulées au paragraphe 76 (paragraphe 76) ;

 

-           mettre un terme à la pratique consistant à refuser à un patient le droit de sortir à l’air frais pendant des jours durant à l’unité cellulaire psychiatrique de Belle-Idée. Toute décision de refuser à un patient le droit d’effectuer sa promenade au-delà de 24 heures doit être fondée sur des indications médicales (paragraphe 77) ;

 

-           faire en sorte à l’avenir que tous les patients de l’unité cellulaire hospitalière de Genève, pour autant que leur état de santé le permette, bénéficie d’au moins une heure d’exercice en plein air par jour, dans un espace extérieur approprié (paragraphe 77) ;

 

-           renforcer le personnel médical et infirmier et revoir l’organisation des soins afin d’assurer une présence infirmière permanente, y compris les weekends et les jours fériés, dans l’unité de psychiatrie en milieu pénitentiaire des établissements de la plaine de l’Orbe (paragraphe 78) ;

 

-          veiller à ce que la prise en charge des patients psychiatriques relève toujours de la compétence des équipes de santé dans les espaces d’hébergement et de soins de l’unité cellulaire psychiatrique du site hospitalier de Belle-Idée, de l’unité cellulaire de l’hôpital de l’Ile et de l’unité de psychiatrie en milieu pénitentiaire des établissements de la plaine de l’Orbe. Chaque fois que l’intervention du personnel pénitentiaire/des forces de police est requise dans ces espaces, cette intervention doit se dérouler à la demande de l’équipe de santé, conformément à ses consignes et sous son étroite surveillance (paragraphe 79) ;

 

-           revoir les protocoles de mise en cellule d’isolement/sous contention dans les unités de soins/de psychiatrie visitées, ainsi que dans toute unité de ce type dans le reste de la Confédération, à la lumière des remarques formulées au paragraphe 83 (paragraphe 83) ;

 

-           dans les cantons visités, revoir les normes régissant les extractions médicales (surveillance et escorte) des patients détenus, à la lumière des considérations formulées au paragraphe 85 (paragraphe 85).

 

 

            commentaires

 

-           à la prison de Frauenfeld, il convient de mettre en place un système de visites régulières par un psychiatre (paragraphe 64) ;

 

-           les autorités sont invitées à permettre le recrutement d’un préparateur en pharmacie à la prison de Champ-Dollon (paragraphe 66) ;

 

-           il serait souhaitable de veiller à ce que les médecins pénitentiaires puissent recevoir, à intervalles réguliers, des informations en retour sur les mesures prises par les organes compétents à la suite de la transmission de leurs constats de lésions traumatiques établis en période d’admission d’un détenu ou à la suite d’un épisode violent en prison (paragraphe 68) ;

 

-           les autorités compétentes sont invitées à envisager la mise en place, dans le canton de Genève, d’une structure sécurisée de soins psychiatriques spécialisée dans la prise en charge des personnes mineures faisant l’objet d’une incarcération ou d’un mandat d’observation (paragraphe 72) ;

 

-           dans le cadre d’aménagements ultérieurs de l’unité cellulaire psychiatrique du site hospitalier de Belle-Idée et de l’unité cellulaire de l’hôpital de l’Ile de Berne, il conviendrait d’envisager de réduire la proportion de cellules doubles (paragraphe 73) ;

 

-           il convient de réadapter le programme de distribution des repas dans l’unité de psychiatrie des établissements de la plaine de l’Orbe, en tenant compte des besoins des patients (paragraphe 73) ;

 

-           le CPT encourage le développement des options thérapeutiques en soutien aux soins psycho- et chimiothérapeutiques dans les unités de soins visitées (paragraphe 74) ;

 

-           à l’unité cellulaire de l’hôpital de l’Ile de Berne, les aires de promenade n’offraient aucune vue, mis à part le ciel (paragraphe 77) ;

 

 

-           il conviendrait d’affecter un psychiatre en permanence à l’unité cellulaire de l’hôpital de l’Ile afin d’y optimiser les soins psychiatriques (paragraphe 78) ;

 

-           à l’unité cellulaire psychiatrique du site hospitalier de Belle-Idée, il faudrait faire en sorte à l’avenir que toute cellule d’isolement soit à l’écart des cellules ordinaires des patients (paragraphe 83) ;

 

-           afin de réduire au minimum les cas d’utilisation d’entraves au sein des structures de soins susceptibles d’accueillir des détenus et de préserver la confidentialité des examens et des soins médicaux, il convient de s’assurer que ces structures disposent d’une pièce offrant des garanties de sécurité adéquates (paragraphe 85).

 

 

            demandes d’information

 

-           des informations à jour sur la réalisation des projets de construction de structures de soins sécurisées visant à optimiser la prise en charge des patients détenus souffrant de troubles psychiatriques et leur calendrier (paragraphe 71) ;

 

-           les remarques des autorités genevoises s’agissant du recours, pour les weekends, à des traitements médicamenteux sédatifs par voie injectable à l’unité cellulaire psychiatrique du site hospitalier de Belle-Idée (paragraphe 75).

 

 

            Autres questions

 

 

            recommandations

 

-           renforcer le service socio-éducatif de la prison de Champ-Dollon, de manière à ce qu’il puisse accomplir pleinement les missions qui lui sont imparties (paragraphe 87) ;

 

-           modifier l’exercice des droits de visite à la prison de Frauenfeld, à la lumière des remarques formulées au paragraphe 88 (paragraphe 88) ;

 

-           réexaminer les dispositions en matière disciplinaire, à la lumière des remarques formulées au paragraphe 90, et les réviser en conséquence lorsque cela s’avère nécessaire (paragraphe 90) ;

 

-           prendre des mesures, dans l’ensemble des cantons, en vue de réduire la durée maximale d’isolement disciplinaire pour les mineurs, à la lumière des remarques formulées au paragraphe 91 (paragraphe 91) ;

 

-           remédier aux lacunes constatées dans les cellules disciplinaires des prisons de Champ-Dollon et de Frauenfeld (paragraphe 92) ;

 

-           prendre des mesures, dans l’ensemble des cantons, afin que les détenus placés à l’isolement ne soient pas automatiquement privés de contacts avec leur famille (paragraphe 94) ;

 

 

-           prendre les mesures qui s’imposent afin que les exigences décrites au paragraphe 96 en matière de santé des personnes placées dans des conditions d’isolement soient dûment respectées dans l’ensemble des établissements de détention avant jugement et d’exécution des peines de la Confédération (paragraphe 96).

 

 

            commentaires

 

-           les autorités genevoises sont encouragées à soutenir les efforts de la nouvelle direction du centre éducatif de détention et d’observation « La Clairière » en vue d’améliorer les conditions de travail des équipes intervenant au sein de l’établissement dans l’optique de fournir un niveau de prise en charge éducative approprié, répondant aux besoins spécifiques des jeunes (paragraphe 86) ;

 

-           les effectifs en présence du personnel de surveillance de la prison de Champ-Dollon, combinés à l’important effort de formation d’un grand nombre d’agents stagiaires, peuvent devenir sources de difficultés en cas de nouveaux pics de surpopulation (paragraphe 87).

 

 

demandes d’information

 

-           des informations actualisées sur l’installation de téléphones supplémentaires dans les ailes « nord » et « sud » de la prison de Champ-Dollon (paragraphe 89) ;

 

-           des informations actualisées sur la mise hors service de la cellule n° 17 du centre éducatif de détention et d’observation « La Clairière » (paragraphe 93).

 

 

Personnes à l’encontre desquelles un traitement institutionnel ou l’internement a été ordonné

 

 

            Conditions de séjour

 

 

            recommandations

 

-           au pavillon de sécurité de la clinique de psychiatrie légale de Rheinau, revoir la procédure d’admission et les dispositions en matière de sécurité et faire en sorte que les patients bénéficient d’un environnement plus agréable et personnalisé. Par ailleurs, les fouilles intimes ne doivent être effectuées que s’il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu’une personne a pu cacher sur elle des objets susceptibles de faire du mal à autrui ou à elle-même ou dans les cas où ces objets pourraient servir de pièces à conviction et lorsque ce type de fouille est nécessaire pour les détecter, une fouille ordinaire ne permettant pas de les découvrir. Si une investigation corporelle interne est indispensable, elle ne devrait jamais être effectuée par le médecin appelé à jouer le rôle de médecin traitant du patient, afin de préserver la relation de confiance entre le médecin et son patient (paragraphe 106) ;

 

-           revoir les dispositifs de sécurité mis en place dans le cadre des transferts et de l’admission des patients à la clinique de psychiatrie légale de Rheinau, à la lumière de la recommandation et des commentaires formulés au paragraphe 85 (paragraphe 107).

 

 

            commentaires

 

-           afin de préserver un minimum d’intimité, il convient de ne pas autoriser l’utilisation de la vidéosurveillance dans les chambres utilisés à des fins d’hébergement ordinaire au pavillon de sécurité de la clinique de psychiatrie légale de Rheinau (paragraphe 105) ;

 

-           les patients hébergés dans le pavillon de sécurité de la clinique de psychiatrie légale de Rheinau devraient être autorisés à personnaliser leur environnement (paragraphe 105) ;

 

-           il convient de trouver une solution visant à s’assurer que l’aire de promenade du pavillon de sécurité de la clinique de psychiatrie légale de Rheinau soit accessible aux patients par mauvais temps (paragraphe 108) ;

 

-           au pavillon de sécurité de la clinique de psychiatrie légale de Rheinau, les visites avec dispositif de séparation, comme toute autre mesure de sécurité, ne devraient être imposées que sur la base d’une évaluation individuelle des risques. Par conséquent, des locaux devraient être prévus afin de permettre des visites de type ouvert (autour d’une table) (paragraphe 108).

 

 

            Personnel, traitement et régime

 

 

            recommandations

 

-           affecter des postes d’infirmiers à l’unité d’intégration du pénitencier de Pöschwies si des personnes nécessitant des soins constants continuent d’y être placées (paragraphe 119).

 

 

            commentaires

 

-          toute personne souffrant de troubles psychiatriques à l’encontre de laquelle un traitement institutionnel ou un internement a été ordonné devrait être placée et prise en charge en structure de soins équipée de façon adéquate et disposant de personnels qualifiés (paragraphes 115 et 120) ;

 

-           les personnes faisant l’objet d’un internement devraient se voir octroyer la possibilité de progresser vers une libération, et notamment avoir l’occasion de prouver leur fiabilité dans le cadre d’allégements dans l’exécution des mesures (congés, etc.). Tout refus d’allégements dans l’exécution des mesures devrait être fondé sur une évaluation individuelle des risques (paragraphe 117) ;

 

-           le CPT estime qu’il est inhumain d’incarcérer une personne à vie sans réels espoirs de libération. Les autorités suisses sont fermement invitées à réexaminer le concept d’internement « à vie » en conséquence (paragraphe 118).

 

 

            demandes d’information

 

-           les résultats des activités du groupe de travail auquel il est fait référence au paragraphe 116 et les mesures prises afin de trouver une réponse au problème des personnes atteintes de troubles psychiatriques en milieu totalement inadéquat, que ce soit en unité de haute sécurité ou dans d’autres unités de détention, et en vue d’améliorer, de manière plus générale et dans toute la Suisse, la gestion des personnes à l’encontre desquelles un traitement institutionnel a été ordonné (paragraphe 116) ;

 

-           les résultats de toute enquête administrative/pénale relative au décès – quelques jours après la visite de la délégation dans le pénitencier de Pöschwies – d’un détenu à mobilité réduite incarcéré dans cet établissement (paragraphe 119).

 

 

            Moyens de contention

 

 

            recommandations

 

-           à la clinique de psychiatrie légale de Rheinau, rechercher des solutions alternatives à la mise sous contention. Par ailleurs, des mesures doivent être prises afin de veiller à ce que soit effectuée une surveillance continue, directe et personnelle des patients mis sous contention ; les moyens techniques audiovisuels actuellement mis en place pour la surveillance ne sauraient remplacer cette forme de contact humain direct par des membres du personnel (paragraphe 121).

 

 

            commentaires

 

-           le recours aux moyens de contention physique, comme la mise sous contention mécanique, devrait se limiter à la durée la plus brève possible (elle se compte en général en minutes plutôt qu’en heures). De l’avis du CPT, une mise sous contention durant plusieurs jours consécutifs ne saurait avoir aucune justification et s’apparente à un mauvais traitement (paragraphe 121).

 

 

            Garanties

 

 

            commentaires

 

-           il convient d’inclure dans les règles des différentes commissions d’experts chargées de réexaminer la nécessité du maintien d’un traitement institutionnel ou d’un internement l’obligation d’auditionner l’intéressé et la possibilité pour celui-ci de se faire représenter lors des séances des commissions d’experts, notamment afin de préserver ses intérêts dans le cadre du processus de décision au sein de ces mêmes commissions (paragraphe 123).

 


 

ANNEXE II

Liste des autorités fédérales, instances cantonales
et organisations non gouvernementales
rencontrées par la délégation du CPT

 

 

I. AUTORITES FEDERALES

 

Département fédéral de justice et police

 

Simonetta SOMMARUGA                                         Cheffe du Département

 

Office fédéral de la justice

 

Michael LEUPOLD                                                    Directeur

Bernardo STADELMANN                                        Vice-directeur

Walter TROXLER                                                     Chef de l’unité Exécution des peines et mesures, agent de liaison du CPT

Olivier GONIN                                                          Agent de liaison du CPT

 

Peter GOLDSCHMID                                                Unité Droit pénal et procédure pénale

Peter HÄFLIGER                                                       Unité Droit pénal et procédure pénale

Nastacia NUSSBERGER                                           Unité Droit civil et procédure civile

Dominique STEIGER LEUBA                                   Unité Droit européen et protection internationale des droits de l’homme

Claude TACCHINI                                                    Unité Exécution des peines et mesures

 

Office fédéral des migrations

 

Albrecht DIEFFENBACHER                                    Section Affaires juridiques

Beat PERLER                                                            Section Principes du retour

Christian BACHOFNER                                            Section swissREPAT

 

Office fédéral de la police

 

Elisabeth SINTZEL                                                    Cheffe d’unité, Police judiciaire fédérale

 

Département fédéral des affaires étrangères

 

Caroline TRAUTWEILER                                         Cheffe de section adjointe, Conseil de l’Europe et OSCE

 

 

Département fédéral des finances

 

Administration fédérale des douanes

 

Jürg NOTH                                                                Chef, Corps des gardes-frontières

Roger ZAUGG                                                           Commandant, Région I (Bâle)

 

Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports

 

Office de l’auditeur en chef

 

Dieter WEBER                                                          Auditeur en chef

 

 

II. INSTANCES CANTONALES

 

Canton de Bâle

 

Marc GRAF                                                               Psychiatre, centre universitaire psychiatrique
de Bâle

 

Canton de Berne

 

Martin KRÄMER                                                       Directeur de l’Office de la privation de liberté et des mesures d’encadrement, Direction de la police et des affaires militaires

Urs STOLL                                                                Chef de l’unité cellulaire de l’hôpital de l’Ile de Berne

 

Canton de Fribourg

 

Philippe PILLONEL                                                  Chef du service de probation, Direction de la sécurité et de la justice

 

Canton de Genève

 

Sahra LEYVRAZ-CURRAT                                      Secrétaire adjointe, Département de la sécurité, de la police et de l’environnement

Constantin FRANZISKAKIS                                     Directeur de la prison de Champ-Dollon

Dominique ROULIN                                                  Directrice du centre éducatif de détention et d’observation « La Clairière »

Dominique BARCELLINI                                          Commissaire, police cantonale genevoise

Hans WOLFF                                                             Médecin pénitentiaire, hôpitaux universitaires de Genève

 

Canton de Lucerne

 

Andreas NÄGELI                                                      Directeur de la prison de Wauwilermoos

 

 

Canton de Vaud

 

Denis FROIDEVAUX                                                Chef du Service pénitentiaire a.i., Département de l’intérieur

 

Canton de Zoug

 

Elisabeth HEER DIETRICH                                      Secrétaire générale, Direction de la sécurité

Linard ARQUINT                                                      Directeur de la prison de Bostadel

 

Canton de Zurich

 

Martin GRAF                                                             Conseiller d’Etat, Direction de la justice et de l’intérieur

Thomas MANHART                                                  Chef de l’Office de l’exécution des peines,

                                                                                   Direction de la justice et de l’intérieur

Marcel RIESEN                                                         Procureur des mineurs, Direction de la justice et de l’intérieur

 

 

La Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP)

 

Joe KEEL                                                                   Secrétaire, concordat pour la Suisse orientale

Florian FUNK                                                            Secrétaire, concordat pour la Suisse orientale

Henri NUOFFER                                                       Secrétaire, concordat pour la Suisse latine

Stefan LEUTERT                                                       Collaborateur scientifique de la CCDJP

 

 

Conférence des commandants des polices cantonales de Suisse (CCPCS)

 

Pierre NIEDEGGER                                                  Président

 

 

III. AUTRES INSTANCES

 

Commission nationale de prévention de la torture (CNPT)

 

Alberto ACHERMANN                                             Membre de la Commission

Léon BORER                                                             Membre de la Commission

Sandra IMHOF                                                          Responsable du Secrétariat de la Commission

 

 

IV. ASSOCIATIONS ET ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES

 

Amnesty International – Section suisse

Augenauf Bern

Augenauf Zurich

Ligue suisse des droits de l’Homme

Organisation suisse d’aide aux réfugiés

 



[1]              Les précédentes visites périodiques du CPT en Suisse ont eu lieu en juillet 1991, février 1996, février 2001 et septembre/octobre 2007. Une visite de nature ad hoc a en outre été effectuée en octobre 2003. Les rapports relatifs à ces visites et les réponses des autorités suisses ont été rendus publics et sont disponibles sur le site Internet du Comité (www.cpt.coe.int/fr/etats/che.htm).

*             Visites de suivi.

[2]              A titre d’illustration, les 12 membres de la Commission n’étaient secondés que par deux membres du Secrétariat travaillant sur l’équivalent de 1,2 postes.

[3]              Voir le document CAT/OP/12/5 du 9 décembre 2010. Voir également le document CAT/OP/1 du 6 février 2012.

[4]              La loi fédérale sur la procédure pénale applicable aux mineurs du 29 mars 2009 est également entrée en vigueur à cette date.

[5]              Voir le paragraphe 12 du rapport relatif à la visite de 2007 (CPT/Inf (2008) 33).

[6]              Article 215 CPP.

[7]              Article 217 CPP.

[8]              Article 219 CPP.

[9]              Articles 224 et 226 CPP.

[10]            Cette exigence découle de l’article 5, paragraphe 3, de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; la Cour européenne des droits de l’homme a eu l’occasion à plusieurs reprises de souligner son importance dans l’éventualité d’une personne soumise à des mauvais traitements (voir, à titre d’illustration, l’arrêt Medvedyev et autres c. France du 29 mars 2010).

[11]            Voir l’article 11 de l’ordonnance sur l’usage de la contrainte et des mesures policières dans les domaines relevant de la Confédération (RS 364.3) du 12 novembre 2008 et entrée en vigueur le 1er janvier 2009.

[12]            Le Groupe d’intervention était accompagné par un médecin.

[13]            Le CPT a par ailleurs les mêmes réserves pour ce qui est de l’utilisation de tels dispositifs au sein des établissements pénitentiaires.

[14]            Il est renvoyé à cet égard à l’arrêt du 30 septembre 2010 (6B 458/2010) de la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral suisse, confirmant la condamnation d’un fonctionnaire de police pour lésions corporelles par négligence liées à un menottage excessivement serré. D’après un rapport médical, le plaignant souffrait d’une mononeuropathie subaiguë de la branche antérieure du nerf radial droit à la suite du menottage en cause.

[15]            Article 214, alinéas 1 et 2, du code de procédure pénale.

[16]            Le contenu de ce droit comprend notamment le droit de s’entretenir librement avec l’avocat et le droit à ce que celui-ci soit présent et puisse poser des questions lors des auditions (article 159, alinéas 1 et 2, du code de procédure pénale).

[17]            Ce droit est considéré par les autorités suisses comme relevant de la liberté personnelle consacrée à l’article 10, paragraphe 2, de la Constitution fédérale (RS 101).

[18]            Article 13.

[19]            Article 24.

[20]            Voir le paragraphe 61 du rapport du CPT relatif à la visite de 2007 (document CPT/Inf (2008) 33).

[21]            Voir notamment le paragraphe 43 du deuxième rapport général d’activités du CPT (document CPT/Inf (92) 3).

[22]            Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 1er du règlement intérieur de la prison cantonale de Zurich du 25 juin 1975, une personne ne peut être détenue plus d’une semaine dans cet établissement. Tout maintien exceptionnel à la prison cantonale de Zurich au-delà de cette période requiert l’autorisation du commandant de la police.

[23]            Paragraphe 33 de ce même règlement.

[24]            Il s’agit des personnes en détention provisoire et en détention pour des motifs de sûreté au sens de l’article 220 du code de procédure pénale.

[25]            Dans ce dernier établissement, la délégation a concentré son attention sur la situation des personnes détenues dans des conditions de haute sécurité et/ou faisant l’objet de mesures (voir les paragraphes 45-53 et la partie II.C. du présent rapport).

[26]            Dans le cas des mineurs sous mandat d’observation, le tribunal des mineurs avait ordonné une observation institutionnelle à des fins d’enquête sur leur situation personnelle, notamment leur environnement familial, éducatif, scolaire et professionnel, pour statuer sur la mesure de protection ou la peine à prononcer (voir l’article 9, paragraphe 1, de la loi fédérale sur la procédure pénale applicable aux mineurs).

[27]            Voir le paragraphe 44 du rapport relatif à la visite de 1991 en Suisse (CPT/Inf (93) 3).

[28]            61 d’entre eux purgeaient une peine privative de liberté, généralement de longue durée pouvant aller jusqu’à la réclusion à vie.

[29]            L’établissement comptait 440 détenus lors de la visite de 2007.

[30]            Outre la construction de l’établissement pour l’exécution des mesures « Curabilis » (voir, à ce sujet, la partie II.C.), il était prévu de réaliser une extension de l’établissement de type fermé « La Brenaz » pour les détenus en exécution de peine. En outre, certaines transformations prévues au sein de la prison de Champ-Dollon (comme le projet « New Medico » relatif à la construction d’un nouveau bâtiment dédié au service médical), avait également vocation à dégager de nouvelles places disponibles.

[31]            Voir la Recommandation Rec(99)22 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe concernant le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale, la Recommandation Rec(2000)22 concernant l'amélioration de la mise en œuvre des Règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté, la Recommandation Rec(2003)22 concernant la libération conditionnelle et la Recommandation Rec(2006)13 concernant la détention provisoire, les conditions dans lesquelles elle est exécutée et la mise en place de garanties contre les abus.

[32]            Ce secteur comptait également un mineur en provenance d’un foyer et exécutant une sanction disciplinaire de plusieurs jours dans le centre.

[33]            Voir, à cet égard, le paragraphe 79 du 19e rapport général d’activités du CPT.

[34]            Au cours de l’été 2011, par exemple, de violents heurts ayant nécessité l’intervention de la police avaient éclaté entre deux groupes antagonistes.

[35]            Voir également le paragraphe 102 du rapport relatif à la visite 2007 à ce sujet.

[36]            Règlement (F 1 50.24) du 3 novembre 2004 (entré en vigueur le 11 novembre 2004)

[37]            Voir également la Règle 66.1 de la Recommandation CM/Rec(2008)11 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe aux Etats membres sur les Règles européennes pour les délinquants mineurs faisant l’objet de sanctions ou de mesures, adoptée le 5 novembre 2008.

[38]            La Règle 80.1. prévoit que le régime proposé « doit permettre aux mineurs de passer autant d’heures que possible hors de leur chambre pour disposer d’un degré d’interaction sociale approprié. Ils devraient pouvoir bénéficier d’au moins huit heures par jour à cette fin ».

[39]            Quelques temps après la visite du CPT au pénitencier de Bochuz en 1996, la capacité de la « division d’attente » avait été doublée et la taille des cellules réduite de moitié.

[40]            Il était prévu d’instaurer un régime progressif analogue dans la « division d’attente » du pénitencier de Bochuz. Dans cette perspective, la division devait être équipée d’un atelier, d’une salle de sport, d’un parloir « fort » (avec dispositif de séparation) et d’un parloir ouvert. La mise en place d’un nouveau régime de détention participait de la réflexion engagée sur les carences du régime passé à la suite du décès d’un détenu de la division ayant mis le feu à sa cellule, dans la nuit du 10 au 11 mars 2010, en signe de protestation contre la rigueur du régime en place.

[41]             Voir le paragraphe 67 du rapport relatif à la visite de 1991 et le paragraphe 52 du rapport relatif à la visite de 2007.

[42]             Voir le paragraphe 5 du rapport relatif à la première visite du CPT en Suisse, en 1991.

[43]             Voir le paragraphe 57 c) du document CPT/Inf (2011) 28.

[44]            Voir notamment la règle 43.2 des Règles pénitentiaires européennes.

[45]            L’article 78 du code pénal prévoit les cas où le placement à l’isolement est autorisé ; les procédures relatives au placement en unité de haute sécurité ne sont pas prévues par la législation. Au pénitencier de Pöschwies, elles étaient inscrites dans le règlement interne. A Champ-Dollon, la mesure de « sécurité renforcée » était prévue aux articles 50 et 52 du règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées (F 1 50.04) du 30 septembre 1985.

[46]            Voir le 21e rapport général d’activités du CPT (document CPT/Inf (2011) 28).

[47]            La politique d’ouverture des portes des cellules en journée, qui permettait aux détenus d’être en contact avec les détenus au sein de leurs unités, compensait le fait que les normes préconisées en Suisse en matière de surface des cellules (12 m², annexe sanitaire comprise) n’étaient pas totalement respectées.

[48]            Voir les paragraphes 119 et 120 du rapport relatif à la visite de 2007 (document CPT/Inf (2008) 33).

[49]            L’équipe médicale comprenait l’équivalent de 4,8 postes de médecins généralistes à temps plein. Divers spécialistes (otorhinolaryngologiste, ophtalmologue, etc.) assuraient également des consultations une ou deux demi-journées par semaine. Les effectifs comptaient également un dentiste et un assistant dentaire. 

[50]            Au pénitencier de Bostadel, deux médecins assuraient des visites régulières en semaine en attendant que le poste de médecin soit pourvu et un système d’astreinte avait été mis en place le reste du temps. Au centre éducatif « La Clairière », un médecin généraliste était employé à mi-temps. L’accès à des spécialistes (ophtalmologue, etc.) et aux soins dentaires ne semblait pas poser problème.

[51]            Leur temps de présence équivalait à un poste à mi-temps pour l’ensemble de la population carcérale de la plaine de l’Orbe (soit environ 230 détenus au moment de la visite).

[52]            Au pénitencier de Bochuz, quatre psychiatres travaillaient sur 3,7 postes et deux psychologues travaillaient sur la base d’un poste et demi. Au pénitencier de Bostadel, un psychiatre assurait des consultations hebdomadaires, en étroite collaboration avec le personnel infirmier et les psychologues de l’établissement. Deux médecins psychiatres intervenaient à temps plein et deux psychologues travaillaient sur l’équivalent d’un poste et demi à la prison de Champ-Dollon. Deux psychiatres travaillaient à plein temps au centre éducatif « La Clairière », en collaboration avec une psychologue employée à mi-temps.

[53]            Au pénitencier de Bochuz, l’équipe infirmière, composée au total de dix équivalents temps plein au moment de la visite, couvrait l’ensemble des établissements de la plaine de l’Orbe. Deux infirmières étaient affectées à Bochuz et assuraient une présence de 7h à 17h30 en semaine et de 7h30 à 12h le samedi, tandis qu’un système d’astreinte était en place le reste du temps. L’équipe soignante du pénitencier de Bostadel, comprenant une infirmière et une aide-soignante à temps plein, assurait une présence de 6h55 à 16h55 les jours ouvrables. Avec un infirmier à temps plein au centre éducatif «La Clairière», une présence d’un membre de l’équipe de santé était assurée de 8h à 18h30 en semaine.

[54]            Voir la « directive sur les unités de psychiatrie en milieu pénitentiaire » du Service de médecine et de psychiatrie pénitentiaires du canton de Vaud entrée en vigueur le 1er décembre 2008.

[55]            Voir notamment le paragraphe 169 du rapport relatif à la visite de 2007 en Suisse (CPT/Inf (2008) 33).

[56]            Voir les notes de bas de page n° 51 et n° 52.

[57]            Deux membres de l’équipe infirmière étaient affectés à l’unité au cours de cette période.

[58]            Cela étant, trois éducateurs étaient en congés maladie et trois autres en mobilité interne.

[59]            Voir le paragraphe 37, sous-paragraphe 10, du Règlement intérieur pour les détenus condamnés.

[60]            Voir le paragraphe 56 du 21rapport général d'activités du CPT (document CPT/Inf (2011) 28).

[61]            Voir l’article 53 du règlement du 3 novembre 2004 du Centre éducatif de détention et d’observation « La Clairière » pour mineurs (F 1 50.24).

[62]            Voir le paragraphe 26 du 18rapport général d'activités du CPT (document CPT/Inf (2008) 25).

[63]            Il est renvoyé à cet égard à la Règle 60.4 des Règles pénitentiaires européennes et au commentaire s’y rapportant.

[64]            Voir les articles 5 et 26 du Règlement sur le droit disciplinaire applicable aux détenus avant jugement et aux   condamnés du Conseil d’Etat du Canton de Vaud du 26 septembre 2007.

[65]            Le juge peut ordonner un traitement institutionnel (article 59 du code pénal) lorsque l'auteur d'un crime ou d'un délit « souffre d'un grave trouble mental », qu'il a commis l'infraction en relation avec ce trouble et qu'il « est à prévoir que cette mesure le détournera de nouvelles infractions en relation avec ce trouble ». Lorsque le juge ordonne à la fois un traitement institutionnel et une peine privative de liberté, le traitement est exécuté avant la peine ; dans ce cas, la durée de la privation de liberté entraînée par l'exécution de la mesure est imputée sur la durée de la peine. Aussi longtemps qu'il y a risque de fuite ou de récidive, le traitement s'effectue dans un établissement fermé, en l'occurrence : un établissement psychiatrique approprié ou un établissement d'exécution des mesures, voire un établissement pénitentiaire « dans la mesure où le traitement thérapeutique nécessaire est assuré par du personnel qualifié ».

               Conformément à l'article 64 du code pénal, le juge ordonne l'internement des personnes ayant commis ou tenté de commettre certaines infractions énumérées par la loi (assassinat, meurtre, viol, prise d'otage, etc.), s'il est à craindre qu'elles ne commettent d'autres infractions du même genre en raison des caractéristiques de leur personnalité, des circonstances dans lesquelles elles ont commis l'infraction et de leur vécu (alinéa 1.a), ou en raison « d'un grave trouble mental chronique ou récurrent en relation avec l'infraction » (alinéa 1.b). L'internement est exécuté (après que la peine privative de liberté prononcée ait été purgée) dans un établissement d'exécution des mesures, dans un établissement fermé ou dans la section fermée d'un établissement ouvert. Aux termes de l'article 64, alinéa 4, du code pénal, l'auteur de l'infraction est soumis « si besoin est » à une prise en charge psychiatrique.

[66]         L’article 19, alinéas a et c, du code pénal prévoit que l’auteur d’une infraction n’est pas punissable si, au moment d’agir, il ne possédait pas la faculté d’apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d’après cette appréciation. Les mesures prévues aux articles 59 à 61, 63, 64, 67 et 67b peuvent cependant être ordonnées.

 

[67]            L'article 123a de la Constitution fédérale, accepté par votation populaire en février 2004, dispose :

               « 1. Si un délinquant sexuel ou violent est qualifié d'extrêmement dangereux et non amendable dans les expertises nécessaires au jugement, il est interné à vie en raison du risque élevé de récidive. Toute mise en liberté anticipée et tout congé sont exclus.

               2. De nouvelles expertises ne sont effectuées que si de nouvelles connaissances scientifiques permettent d'établir que le délinquant peut être amendé et qu'il ne représente dès lors plus de danger pour la collectivité. L'autorité qui prononce la levée de l'internement au vu de ces expertises est responsable en cas de récidive.

               3. Toute expertise concernant le délinquant est établie par au moins deux experts indépendants qui prennent en considération tous les éléments pertinents. »

[68]            Articles 64, alinéa 1bis, et 64c du code pénal.

[69]            L’autorité cantonale compétente prend sa décision en se fondant sur le rapport d’une commission fédérale chargée de juger les possibilités de traiter les personnes internées à vie (article 64c du code pénal).

[70]            Ancien article 43 du code pénal.

[71]            Voir les paragraphe 62 et suivants du document CPT/Inf (93)3.

[72]            Depuis le 1er juillet 2011, la clinique de psychiatrie légale de Rheinau fait partie du centre universitaire psychiatrique de Zurich ; il dépend des autorités sanitaires cantonales de Zurich.

[73]            71 patients étaient sous traitement institutionnel, deux étaient des prévenus et un patient était privé de liberté à des fins d’assistance (hospitalisation sous contrainte).

[74]            12 détenus en détention ordinaire, six dans l’unité pour détenus âgés, deux dans l’unité d’intégration et un dans l’unité des admissions.

[75]            15 détenus étaient soumis au régime de détention ordinaire, 10 avaient été placés en unité pour détenus âgés, quatre en unité de haute sécurité, un dans l’unité pour détenus présentant des risques d’évasion, quatre dans l’unité d’intégration et de crise, un dans l’unité des admissions.

[76]            Le détenu en question a refusé de s’entretenir avec la délégation.

[77]            Voir le paragraphe 134 du document CPT/Inf (2008) 33.

[78]            En journée, il y avait au moins trois infirmières présentes dans chaque unité du pavillon de sécurité et au moins deux infirmières dans chaque unité du pavillon réservé au traitement institutionnel ; la nuit, une infirmière était présente dans chaque unité (tant dans le pavillon de sécurité que dans le pavillon réservé au traitement institutionnel).

[79]            Voir le paragraphe 163 du document CPT/Inf (2008) 33.

[80]            Paragraphes 137 et 138 du document CPT/Inf (2008) 33.

[81]            Voir l’article 57, alinéa 2, du code pénal.

[82]            Article 59, alinéa 3, du code pénal.

[83]            Aux termes de l'article 64, alinéa 4, du code pénal, l'auteur de l'infraction est soumis « si besoin est » à une prise en charge psychiatrique.

[84]            Voir l’article 64b, alinéa 1, du code pénal.

[85]            Article 24, paragraphe 1 b), et suivants de la loi relative aux patients du 5 avril 2004 (« Patientinnen- und Patientengesetz vom 5. April 2004 »).

[86]            Par exemple, une femme avait été soumise à diverses formes de contention du 5 janvier au 5 février 2009 sans interruption. Des efforts avaient été consentis pour lui mettre une ceinture de force pendant la journée, mais elle était mise sous contention la nuit et attachée par 7, 5 ou 3 points de fixation. En 2011, un patient de sexe masculin avait été soumis à diverses formes de contention du 30 avril au 24 mai.

[87]            Voir le paragraphe 164 du document CPT/Inf (2008) 33.

[88]            Dans les cas où le délinquant a commis une infraction particulièrement grave, voir article 62d, alinéa 2, du code pénal.

[89]            Chaque « concordat pénitentiaire » (convention intercantonale) prévoit sa propre commission d’experts, composée de représentants des autorités de poursuite pénale, des autorités d’exécution des peines et des mesures et des milieux de la psychiatrie. Il existe trois concordats en matière de détention pénale des adultes (Suisse latine, Suisse centrale et du Nord-Est, Suisse orientale).

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29/06/2013
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