Incroyable pourtant c' est vrai ca c' est passé de 1941 à 1983

Incroyable pourtant c' est vrai ca c' est passé de 1941 à 1983

Traité juridique, ou les conséquences pour la Suisse risquent d'être gravissimes

Cette analyse juridique  effectuée par un éminent av ocat , démontre clairement pour la Suisse que les conséquences en cas de condamnation par la Cour Pénale Internationale,risquent d'être lourdes  sur le plan national et international

 

I.- Préambule et mandat :

 

Dans le cadre de l'initiative parlementaire "Réhabilitation des personnes placées par décision administrative" déposée par Monsieur le Conseiller national Paul Rechsteiner, un avant-projet de loi est né des travaux de la Commission des affaires juridiques (ci-après : la Commission), sous la désignation "Loi fédérale sur la réhabilitation des personnes placées par décision administrative (ci-après : Loi fédérale av-p.). L'article 4 de cet avant-projet de loi exclut toutes prétentions financières en faveur des personnes victimes de ces placements administratifs injustes selon la définition qui en est faite à l'article 3 de l'avant-projet.

 

Selon le commentaire de l'article 4 précité par la Commission, il apparaît toutefois que le "rejet de la possibilité de prétentions financières au niveau fédéral n'exclut pas une éventuelle forme de réparation aux niveaux cantonal ou communal "(cf  Rapport de la Commission des affaires juridiques du 11 octobre 2012, ad article 4, page 11).

 

Le présent mandat a pour but de répondre aux questions suivantes :

 

a) La Suisse doit-elle être reconnue coupable de crimes contre l'humanité commis sur son territoire national?

b) Si oui, quelles conséquences tirées de cette culpabilité?

c) Les victimes de placements administratifs injustes doivent-elles accepter l'avant-projet de loi?

 

Mon analyse juridique se fonde expressément sur les deux documents remis par tes soins, de même que sur les sources formelles et matérielles suivantes :

 

Code pénal suisse (abrégé : CPS), actuellement en vigueur et Code pénal suisse avant les modifications législatives en vigueur depuis le 1er janvier 2011; Code civil suisse, actuellement en vigueur (abrégé : CCS); Convention européenne des droits de l'homme (abrégé : CEDH); Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en vigueur en Suisse depuis le 2 décembre 1986; Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en vigueur en Suisse depuis le 18 septembre 1992; "Réparation pour les victimes de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre au Rwanda", par Stef Vandeginste; "Dites-moi, Docteur, l'Hospitalisation sans consentement est-elle toujours en aussi bonne forme?...", par Philippe Bernardet, chargé de recherche au C.N.R.S.

 

II.- Culpabilité de la Suisse :

 

1. Au niveau international :

 

A. Définition des crimes contre l'humanité

 

Conformément aux traités internationaux précités, ad point I et ratifiés par la Suisse, les crimes contre l'humanité revêtent différents formes, soit le meurtre, l'extermination, la réduction en esclavage, la séquestration, les disparitions forcées, la torture, l'atteinte au droit à l'autodétermination sexuelle, la déportation ou transfert forcé de population, la persécution et apartheid. Cette liste n'est pas exhaustive, une norme générique assimilant à des crimes contre l'humanité tous autres actes inhumains.

 

Dans le présent cas, il ne fait aucun doute que les souffrances, voies de fait ou lésions corporelles infligées aux victimes de placements administratifs injustes entrent dans la définition des crimes contre l'humanité.

 

Implicitement du reste, les rapporteurs de la commission juridique admettent que les placements injustifiés tombent sous le coup du droit pénal international (voir rapport, op.cit., page 10 "On peut se demander s'il ne faudrait pas inclure dans la loi une disposition annulant formellement les décisions administratives de placement, à l'instar des lois sur la réhabilitation des personnes ayant aidé les victimes des persécutions du nazisme à fuir et des volontaires de la guerre civile espagnole [...]".

 

La Cour pénale internationale (ci-après : CPI) précise pour sa part que pour qu'il y ait crimes contre l'humanité, il faut que les attaques contre la population - militaire ou civile -soient multiples et relèvent d'une politique. La CPI admet également que la passivité d'un Etat tombe sous le coup d'une telle infraction. Il suffit pour s'en convaincre de se référer au Préambule du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et son article premier, définissant plus largement la notion de dignité humaine. En outre, les "Etats parties au présent Pacte s'engagent à garantir que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans le présent Pacte auront été violés disposera d'un recours utile, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles (article 3, let. a)".

 

Sur la base des éléments qui précèdent, nous pouvons ainsi affirmer que les placements administratifs injustifiés tombent sous le coup de l'infraction pénale" crimes contre l'humanité" et que la Suisse, par sa politique de passivité ou laxisme, s'est rendue complice de tels crimes, violant dès lors les traités internationaux précités.

 

Cette affirmation est particulièrement importante, d'un point de vue des responsabilités civiles, ainsi que nous le verrons, infra, ad point III.

 

2. Au niveau du droit interne :

 

B. Législation suisse

 

Le CPS, dans ses dispositions prévues aux articles 264a, définit les éléments constitutifs des crimes contre l'humanité.

 

Afin d'éviter des redites fastidieuses, je me permets de te renvoyer à ce qui précède, ad point A.

 

Toutefois, il est intéressant de constater que la codification jurisprudentielle prévue aux alinéas 1, lettre d, g et j de l'article 264a trouve directement application dans notre cas, couvrant la diversité des crimes commis par les cantons suisses à l'époque des faits.

 

3. Culpabilité" proprement dite" :

 

Au vu des éléments qui précèdent, la Suisse, de par son inaction complice et les cantons suisses, directement concernés par les décisions de placements administratifs injustifiés, doivent être reconnus coupables solidairement d'infraction de crimes contre l'humanité, tant d'un point de vue international qu'interne.

 

III. Réparation des dommages subis:

 

1.- Droit international :

 

Dès lors que sa culpabilité doit être admise, la Suisse répond, solidairement avec les cantons suisses, des dommages subis par les victimes de placements administratifs injustifiés.

 

Les bases légales devant permettre de "contraindre" l'Etat  helvétique à indemniser financièrement les victimes de placements injustifiés reposent notamment sur l'article 5 § 5 de la CEDH (voir Arrêt Cour européenne DH, 23 février 1999, req. A.B. c France no 39277/98), l'article 2, alinéa 3, lettres a-c du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de même que l'article 14, para. 1 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

 

Par ailleurs, la Commission des droits de l'homme de l'ONU a mis de manière générale la question liée à l'indemnisation des victimes de crimes contre l'humanité à l'étude, et en fonction des commentaires des Etats membres, dont la Suisse, a proposé différentes formes de réparation, dont l'indemnisation pour les dommages matériels et les pertes de revenus, ainsi que pour le préjudice physique ou moral.

 

Même si ces principes ne sont pas -encore- acceptés par les Etats membres de l'ONU, ils sont déjà utilisés comme document de référence en la matière (voir Stef Vandeginste, o.cit., page 3 et les références citées).

 

Ainsi et d'un point de vue international, la Suisse doit répondre de l'indemnisation de ses victimes, l'article 4 de la Loi fédérale av-p. devant être catégoriquement refusé dans son principe, étant contraire aux traités internationaux précités.

 

2.- Droit interne

 

Selon l'article 429a CCS, toute personne lésée par une privation illégale de liberté a droit à une indemnité à titre de dommages-intérêts et à une somme d'argent à titre de réparation morale lorsque celle-ci est justifiée par la gravité particulière du préjudice subi. Le canton est responsable du dommage, sous réserve du recours contre les personnes qui ont causé le dommage intentionnellement ou par négligence grave. Cette disposition, entrée en vigueur après les faits litigieux, consacre la responsabilité civile des cantons suisse sur le territoire desquels des actes illicites ont été commis.  Ainsi, le cas qui nous occupe est soumis à l'ancien droit suisse, en vigueur au moment des faits litigieux, selon l'article 14 lit.a Titre final du CCS. Les cantons suisses disposaient de pouvoirs plus élargis que maintenant pour décider de l'internement d'une personne majeure, selon l'ancien article 404 du CCS. En particulier, le droit public cantonal pouvait prévoir des mesures d'internement fondées sur des motifs de bien public (en particulier de police et de sécurité).

 

Dans notre cas, il est établi à satisfaction de droit que les placements administratifs ordonnés par les cantons suisses étaient pour la plupart injustifiés, ce qui du reste n'est pas ou plus contesté à ce jour. Il est renvoyé à cet effet au rapport de la Commission juridique.

 

Dans ces conditions et dans la mesure où le droit international prime le droit interne d'un Etat, selon le principe de la hiérarchie des normes, la Suisse ne saurait concrètement se réfugier derrière la responsabilité causale de ses cantons, pour éviter une action en responsabilité civile dirigée contre elle.

 

Ainsi que cela a été exposé ad chiffre 1, supra, la responsabilité internationale de la Suisse est engagée, ce qui implique qu'elle doit faire face à l'indemnisation matérielle et morale de ses victimes. Il lui est loisible, cas échéant, de recourir à l'interne  contre les cantons concernés, ne pouvant toutefois pratiquer une politique attentiste. Lors de l'examen du budget fédéral lié aux parts revenant aux cantons, la Confédération pourra très bien imputer le montant de cette indemnisation sur la part leur étant octroyée.

 

S'agissant de l'étendue et du montant de la réparation, ce point doit faire l'objet d'une analyse juridico-financière aux multiples variantes , soit paiement d'un forfait égal pour tous, ou fixé de cas en cas, ou encore en fonction d'un pourcentage lié aux budgets cantonaux et de la Confédération.

 

Pour ma part, la solution la plus équitable consisterait dans le versement d'un montant fixé dans la loi fédérale devant régler le sort des victimes, en tenant compte de la gravité des infractions et des souffrances endurées.

Certaines jurisprudences existent sur le plan international, mais variables, en fonction du contexte et du pays concerné (exemple : conflit en ex-Yougoslavie ou encore au Rwanda).

 

3.- Prescription

 

Aux termes de l'article 101 du Code pénal suisse, sont imprescriptibles [...], les crimes contre l'humanité (alinéa 1er lit.b).

 

L'article 101 du Code pénal suisse actuel a été modifié en 2010 et est en vigueur depuis le 1er janvier 2011. L'ancien article 101 du Code pénal suisse relatif à l'imprescriptibilité de certains crimes ne comprenait pas expressément la notion de crimes contre l'humanité. C'est chose faite avec l'article 101 CPS dans sa nouvelle teneur.  Dans la mesure où les faits à l'origine du présent cas ne sont eux-mêmes pas prescrits, compte tenu de l'article 101 ancien CPS et de la jurisprudence y relative (ATF 132 III 661 c. 4.4), la Confédération suisse ne peut invoquer une quelconque prescription, tant sur le plan de sa culpabilité pénale, que sur le plan de la réparation civile (article 60, alinéa 2 du Code des obligations suisse).

 

IV. Conclusions :

 

Au vu de tous les éléments qui précèdent, il y a lieu de reconnaître la Suisse coupable d'infraction de crimes contre l'humanité, par le fait d'avoir sciemment ou en tous les cas en connaissance de cause tolérer des placements administratifs sur son territoire contraires aux traité internationaux dont elle était ou est actuellement partie.

 

Aucune prescription ne peut être admise

 

 

Par Pierre Lièvre Avocat

 

 


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